La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger La vie éternelle

février 2022 | Le Matricule des Anges n°230 | par Camille Cloarec

Ultime recueil de l’artiste et poète Etel Adnan (1925-2021), Déplacer le silence fait figure de testament, pétri de mysticisme, d’optimisme et de curiosité.

Déplacer le silence

Le futur n’est guère plus grand que cette ruelle » Alors qu’elle écrit les fragments qui composent le dernier titre d’une œuvre polyglotte, profuse et protéiforme, Etel Adnan sait que ses jours sont comptés. Elle a alors 95 ans et partage sa vie entre Erquy, un village des Côtes-d’Armor d’où elle admire chaque jour les nuances de l’océan, et Paris. Née en 1925 à Beyrouth d’une mère grecque orthodoxe et d’un père syrien musulman, la poète baigne dans un bouillonnement de cultures et de langues durant toute son enfance. À la maison, elle parle grec et turc ; dans la rue, c’est l’arabe ; à l’école, le français et l’anglais. « Quand on apprend une langue, on apprend un monde », déclare-t-elle à France Culture en 2012. C’est sans doute pourquoi Etel Adnan a été très tôt perméable à la complexité d’interprétation et de signification qui se cache derrière chaque détail du quotidien. Les réalités se superposent continuellement dans son écriture. Habitée par la mythologie grecque, qui vient régulièrement la visiter sous la forme de Prométhée ou encore du sanctuaire de Delphes, elle interroge sans cesse les dieux, le sacré et la transcendance. « Je vais disparaître avant d’avoir trouvé une réponse convaincante à cette question : qu’est-ce que l’Absolu ? »
Cette quête d’absolu, que l’autrice a poursuivi tout au long de sa vie à travers sa fascination pour les religions, son amour de la nature et son appétence pour les arts, la conduit à étudier la philosophie en France et aux États-Unis, puis à l’enseigner. Elle revient ensuite au Liban, à ses jeunes années durant lesquelles « le présent soufflait pour toujours », en tant que journaliste et critique littéraire. Héraclite, Tolstoï, Eschyle et Malevitch sont des figures qui lui tiennent compagnie et qu’elle évoque souvent. Leur travail sur le langage la captive, elle qui est convaincue que « les arts nous ouvrent des mondes parallèles à la parole ». C’est ainsi qu’elle se lance dans la peinture en parallèle de la poésie, expérimentant une autre manière d’observer et de dire le monde qui l’entoure. Bénéficiant d’une reconnaissance internationale à partir des années 2010, Etel Adnan est notamment à l’origine de l’exposition « Écrire, c’est dessiner » qui se tient en ce moment au Centre Pompidou de Metz.
« Mais où est ma place ? Toujours en train d’en chercher une, semble-t-il », constate-t-elle. Sa soif de découverte et son énergie créatrice l’ont amenée à emprunter bien des voies et à se construire une destinée qui résiste à toute tentative de classification. « Je veux faire du rafting, pas seulement sur des rivières mais sur toutes les expériences, les mentales en particulier, ressentir la joie des concepts frénétiques, de leur liberté surtout », écrit la nonagénaire, bien loin d’avoir renoncé à quoi que ce soit. Sa curiosité s’étend des dernières expéditions spatiales à un ruban tombé au sol en passant par tous les livres qu’elle n’aura pas le temps de lire. Le monde tel qu’elle l’appréhende, et que nous pénétrons au fil des pages de Déplacer le silence, est d’une amplitude infinie. L’étude minutieuse de la nature en est un élément central. « Nos paroles ne correspondent plus aux prophéties. Ce pouvoir est laissé à d’autres espèces : aux chênes, par exemple, aux marées, qui par leur agitation entraînent une phosphorescence pour laquelle nous n’avons pas d’oreille ». Les délicates évocations des soleils couchants, des signes avant-coureurs de tempête, des brouillards persistants nous donnent à voir la beauté mystique de ce qui nous entoure. Entre méditations oniriques, réflexions philosophiques, descriptions triviales et introspection sensible, Etel Adnan nous transmet un ensemble infiniment précieux sur lequel nous pouvons nous attarder et nous appuyer, afin de prolonger son existence ici-bas tout en garda à l’esprit l’un de ses derniers conseils : « Soyez planétaires ».

Camille Claorec

Déplacer le silence
Etel Adnan
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Valéry
Éditions de l’Attente, 90 pages, 11

La vie éternelle Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°230 , février 2022.
LMDA papier n°230
6,50 
LMDA PDF n°230
4,00