Avec un album illustré consacré par Philippe Baudouin aux archives du gendarme Émile Tizané fasciné par la parapsychologie (Lmda N°179), les éditions du Murmure ont été remarquées cet automne. Elles avaient déjà défrayé la chronique en lançant une collection aux couvertures jaune vif et à la titraille rouge-orange vouée aux études de l’étrange : érotologie, ufologie, traités dans de courts essais y définissent les recoins de l’âme moderne et nourrissent ce goût pressant pour la culture pop, pulp, weird, trash qui a tout imprégné depuis la guerre. Ce goût de l’a-normal est poussé jusqu’aux marches de la littérature et produit des livres très spécifiques comme Les Forteresses de l’oubli de Serge Moncomble, présenté en 2013 par Michel Besnier. Dans des formes variées, s’y lit l’histoire de Joseph Dardanel, homme sans origines à la recherche de sa légitimité. Si « Les gens sans histoire sont malheureux », ainsi que l’écrit Moncomble, il semble que les éditions du Murmure œuvrent allègrement pour notre bonheur. Précisions de vives voix.
David Demartis et Jérôme Martin, vous avez d’abord ouvert un catalogue dédié aux marges du savoir et aux sujets émergents, à la culture populaire et télévisuelle autant qu’à la poésie contemporaine, champ déjà considérable. Qu’est-ce qui vous a fait sauter le nouveau pas très audacieux que représente l’album voué au « grand œuvre » d’Émile Tizané, le gendarme de la parapsychologie ?
David Demartis : Très clairement la découverte de la qualité des sources conservées et répertoriées par Émile Tizané qui a été portée à notre connaissance, à l’auteur et à moi-même, par son fils, Guy Tizané. Nous ne savions vraiment pas, à ce moment précis, ce que nous allions découvrir en nous déplaçant chez lui. Mais effectivement, et depuis quelque temps, il y avait la volonté de produire des ouvrages hors collection, sous forme de beaux-livres.
Jérôme Martin : Ce livre n’est-il pas la réminiscence parfaite de l’Esprit du murmure ? Pas de frontières ! Plus sérieusement, je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir sauté un pas si audacieux que cela. Dès le début nous avions mis l’accent sur cette volonté d’aller au-delà des frontières de la culture unique. D’« En dehors » en « Borderline » à Émile Tizané, il n’y a qu’un livre à lire. Il a fallu dix ans au Murmure pour s’épanouir et se concentrer. Dès lors, il n’y avait plus qu’à tenir un cap.
Avec le clairon de Tizané, si l’on peut dire, on est loin du souffle ou du murmure… Pourquoi cette marque discrète ?
DD : Tout simplement parce que c’est un vocable extrêmement puissant et aux nombreuses nuances. Nous trouvions aussi qu’il correspondait parfaitement à notre désir de travailler sur les oubliés quels qu’ils fussent : littérature, artistique, savoir. Puis, ne murmure-t-on pas vers l’autre uniquement ce qui a du poids, de l’intérêt ? Une façon d’ancrer l’altérité dès le nom de la maison. Loin de tout battage médiatique également. Une idée, un...
Éditeur Haut et fort
février 2017 | Le Matricule des Anges n°180
| par
Éric Dussert
Quinze ans après leur lancement, les éditions du Murmure maintiennent une ligne tonitruante entre bizarre et poésie. Rafraîchissant.