En 1968, en Angleterre, dans un quartier particulièrement pauvre et délabré de la ville de Scotswood, deux petits garçons sont retrouvés étranglés. La police met rapidement la main sur la coupable, une enfant de 11 ans, Mary Bell. Elle est condamnée à perpétuité mais sortira de prison au bout de douze ans et vivra ensuite sous un nom d’emprunt. Dorothée Zumstein s’empare de ce fait divers et met en scène une interview donnée par Mary, devenue Burns dans le texte. Mary Burns, Mary brûle. Elle a 40 ans. Une interview pour tenter de comprendre, pour se soulager, se libérer peut-être d’un rêve récurrent, pour aller chercher quelque chose qu’elle pressent caché derrière le passé : « Il y a juste cette putain de poignée à tourner. / Je peux pas, / Je suis glacée, / Je suis glacée parce que je sais qu’elle est là, / Je sais qu’elle est derrière la porte, / (…) / Et je sais qu’elle aussi, / Dans le froid, dans la nuit, / Se dresse sur la pointe des pieds, / De l’autre côté, / Et lève la main vers la poignée ». Aussi pour répondre aux très nombreuses sollicitations de la presse, cette histoire ayant passionné la société anglaise de l’époque. Au cours de l’interview, Mary convoque la petite fille qu’elle était, et puis sa mère, et sa grand-mère. Et l’on comprend que d’une femme à l’autre court un terrible secret. « Tu es l’enfant de Satan », dit sa mère. L’écriture de Dorothée Zumstein nous emmène au fin fond d’une mémoire morcelée, fragmentée comme un miroir éclaté. Une écriture poétique, onirique parfois, multipliant les points de vue et créant des images hypnotiques. L’auteure ne juge pas ses personnages. Elle s’enfonce au cœur de l’âme humaine et en remonte des fragments, un minerai qui gît là, comme la cristallisation des événements du passé. Le texte s’est appelé Big Blue Eyes avant de devenir MayDay dans sa version anglaise. MayDay, un appel au secours. P. G.-B.
mayday de Dorothée Zumstein
Quartett, 96 pages, 11 €
Théâtre MayDay
février 2017 | Le Matricule des Anges n°180
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°180
, février 2017.