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Dossier Patrick Varetz
L’œuvre au noir

février 2017 | Le Matricule des Anges n°180 | par Thierry Guichard

Jeté au monde dans l’enfer violent d’une famille meurtrie, Patrick Varetz a très tôt emprunté les chemins de la littérature pour sortir de son enfance. Jusqu’à y revenir par l’écriture et la transformer en une œuvre sans pitié.

Il n’aura pas fallu beaucoup de livres à Patrick Varetz pour affirmer une voix et imposer un univers singulier à ceux qui auront bien voulu le lire. Après un premier roman oppressant et tendu par une langue puissante (Jusqu’au bonheur), l’écrivain s’est laissé emporter par ce qui le tenait tout entier à la table d’écriture : l’héritage d’un gamin pris entre la violence d’un père humilié et la folie d’une mère dévastée. Et il s’est alors engagé dans le récit de la vie d’un enfant des Trente Glorieuses jeté d’abord dans une boîte à chaussures puis nourri à la haine, la colère et la honte. Deux romans ont paru pour dire l’indicible et pour transformer par le verbe une existence sans horizon : Bas monde et Petite vie avaient donc fait suite à l’apocalyptique Jusqu’au bonheur, comme s’il avait fallu à l’écrivain brûler toute l’espèce humaine pour pouvoir renaître dans la voix de son alter ego, Pascal Wattez, nouveau-né dans Bas monde, garçonnet dans Petite vie et qu’on retrouve trentenaire déconnecté dans Sous vide, qui paraît aujourd’hui. Les trois livres, de ce qui aurait dû être une trilogie, s’annoncent en réalité comme les premiers éléments d’une œuvre bien plus vaste. Car, au-dessus d’une longue barbe (on ne le reconnaît d’abord pas, quand on l’a connu sans), les yeux de l’écrivain semblent brûler d’une telle rage noire qu’on devine que la source n’est pas près de se tarir. Et d’ailleurs, très vite dans la discussion, Patrick Varetz évoquera le futur livre, en cours d’écriture, qu’à nouveau Pascal Wattez habitera.
Il n’est certes pas nécessaire de connaître la biographie d’un auteur pour mesurer la qualité de son travail. Cependant les livres ne naissent ni dans les choux ni dans les roses et si le travail de l’écriture consiste parfois à recomposer des souvenirs personnels pour les transformer en un texte universel, alors il n’est pas inintéressant d’aller voir un peu à quelles sources s’abreuve une œuvre.
Patrick Varetz est né en 1958 à Marles-les-Mines dans le Pas-de-Calais, département voisin de celui où il vit aujourd’hui. Ville minière qui offre d’elle sur Internet plus d’images d’archives que d’actualité. La naissance ressemble à celle relatée dans Bas monde. La veille, la mère et le père sont au bal. Le lendemain matin, l’enfant vient avant terme dans la cuisine du deux-pièces qu’ils occupent : on met l’enfant dans une boîte à chaussures…
Le décor planté, présentons les principaux personnages : le grand-père paternel travaillait, « je crois » comme comptable dans les « grands bureaux » des mines. La grand-mère (la « Léonie  » de ses livres) avait un emploi d’infirmière pour la sécurité sociale minière. « Mon grand-père était le seul à lire des livres, et le seul à prendre la parole sans élever la voix. J’aimais bien demeurer enfermé avec lui des après-midi entiers pour lire quelques livres dans sa bibliothèque dont une anthologie de poèmes de Victor Hugo. J’étais fasciné par « Booz endormi » (un poème sur lequel...

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