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Domaine étranger Les raisons de la colère

octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177 | par Éric Dussert

On vole son troupeau à un berger et l’inéluctable débine se met en branle. Un grand roman prolétarien du sarde Bachisio Zizi, enfin traduit.

Les Troupeaux de la colère

Bachisio Zizi a disparu il y a deux ans sans qu’aucun de ses romans ne connaisse de version française. En découvrant les qualités des Troupeaux de la colère, on est en droit de trouver ça surprenant. Ce Greggi d’ira de 1974 ayant toutes les caractéristiques du grand roman italien, comme Ladri di biciclette du graveur et écrivain Luigi Bartolini (1892-1963), œuvre bien connue de nos concitoyens grâce au film de Vittorio de Sica. Au-delà de la surprise, réjouissons-nous donc de trouver sur notre chemin ce troupeau dont les vertus littéraires sont nettes et la laine riche.
Né en 1925, Bachisio Zizi, qui n’a rien à voir avec l’homonyme fabricant d’apéritifs à l’amande de Suse près du Fréjus, est un Sarde de Sardaigne. Avant d’être romancier, et l’on peut dire romancier social, il aura été de la banque. C’est de cette position propice à l’observation qu’il a ramené la matière de son roman, véritable apothéose de la débine et de la révolte, doublé d’un formidable panorama de la société de Sardaigne. « Les jeunes finissent tous comme ça : émigrés, arrêtés ou exilés. Restent les femmes qui pleurent et les vieux qui récriminent. Tu n’es pas le seul, malheureusement. »
Dans un pays rude où évoluent tant bien que mal des bergers aux entreprises fragiles, des propriétaires plus voleurs que maquignons, des prêtres imbéciles et des gendarmes prêts à vider la campagne pour avoir l’impression de faire leur travail, c’est l’essoufflement d’un univers devenu encore plus âpre que décrit l’ancien banquier à travers les ennuis du berger Pietro dont on a volé le troupeau. « J’ai demandé du travail au prêtre et il m’est tombé dessus avec toute la colère de Dieu ; j’ai demandé de l’aide à Zenosu Manca et il m’a répondu que mon malheur n’en est pas un ; et l’adjudant m’a parlé de mon sang empoisonné par ma haine des carabiniers. » Les perspectives du berger sont simples mais sombres : des dettes, toujours des dettes, la prison, l’exil économique ou l’assignation à résidence sur le continent. « — Moi, j’irais bien, sur le continent, dit Pascaleddu tout excité ; ceux qui y sont allés disent que là-bas c’est une autre vie. Les bergers ne se différencient pas des autres hommes. Les décharges du continent sont plus riches que nos maisons. Pourquoi n’as-tu pas accepté ? »
À travers les pérégrinations de Pietro à la recherche de son troupeau ou d’un travail, et, une fois qu’il est arrêté, d’une place où vivre dans le village de Santana (Trentin), Zizi détaille les rouages de l’appauvrissement qui condamne les plus pauvres avec une obstination fatale. Car après les épiques recherches, parfois désordonnées et illégales, dans un monde de pierre et de vide, après la réponse d’institutions aveugles et sourdes, les consolations du juste, le vieux maire communiste, paraissent bien maigres : « Pour l’instant tu es découragé et humilié ; il y a des millions de Pietro dans le monde, il faut avoir du courage, trouver la force de résister, lutter en restant unis : c’est seulement ainsi que l’on peut changer notre sort. Je pourrais parler à l’adjudant, je l’ai déjà fait pour quelqu’un, mais ça n’a servi à rien, peut-être que je fais partie de la liste, moi aussi. »
Implacable, le destin du berger est celui du prolétaire sans avenir. D’ailleurs « personne n’écoute les malheurs des autres, personne ne les comprend ». Au bout du compte, il reste une leçon, terrible lorsqu’elle est entendue au cœur de la tourmente, lorsqu’un homme est à la recherche de sa dignité perdue, lorsque règnent les chetores (les fauteurs de trouble) et les nantis : « c’est dans la tempête qu’on reconnaît un homme ».
Et c’est aussi comme cela que l’on distingue un roman magnifique. En trois cents pages, Bachisio Zizi est devenu un auteur italien à découvrir. Naturellement l’impatience grandit déjà d’aborder la suite de son œuvre.

Éric Dussert

Les Troupeaux de la colère, de Bachisio Zizi
Traduit de l’italien par Françoise Lesueur et Claude Schmitt,
Serge Safran éditeur, 341 pages, 22,90

Les raisons de la colère Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°177 , octobre 2016.
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