Une petite communauté de chiffonniers vivant dans les bidonvilles des faubourgs de Bucarest tirent leurs subsistances des détritus qu’ils trient et récupèrent. Ils se sont regroupés autour d’une décharge immense qu’alimente un flux incessant de carrioles d‘ordures. Groapa, publié en 1957 et traduit sous le titre Le Grand Dépotoir, roman le plus connu de l’écrivain roumain Eugen Barbu, s’appuie sur l’observation des modes d’existence des Tziganes dans la Roumanie des années 1920.
On y découvre des pauvres gens qui se retrouvent essentiellement au bistrot, une pittoresque bande de voleurs qui se fait passer à tabac par la police, et puis ces violoneux qui sont de toutes les fêtes. Cette petite société a certes ses propres règles mais leurs passions sont simples. Pourtant le roman suggère l’imminence d’un désastre, une plongée proche dans l’abîme. Et ce ne sont pas les catastrophes, les incendies, les inondations qui représentent une réelle menace. Il y a chez tous une incroyable vitalité qui leur permet de surmonter ces épreuves…
Chacun fait face à la misère du mieux qu’il peut, jusqu’au jour ou Parashiv « un jeune truand au sang chaud » poignardera le chef des voleurs, le vieux Staroste, et proclamera : « Pas de pitié, mes frères, j’ai pas de pitié pour les hommes. Si je pouvais tous leur arracher le cœur, parce que de toute façon, leur âme, elle est vendue au diable, rien ne compte pour eux ». Le jeune loup sanguinaire par son goût du pouvoir déstabilisera Le Grand Dépotoir. Des musiciens, ces violoneux que chérissent tant les faubouriens et les voleurs, seront pris dans une bourrasque de neige et périront face à de vrais loups. La communauté semble cernée de tous côtés. N’est-ce pas la mort qu’annonce Grigore le casseur de bois en criant à tous « Bois coupé, Bois coupé » ?
Dans les années 70, Eugen Barbu dirigera le journal Saptamania tout acquis à Ceaucescu, puis Romania Mare (La grande Roumanie) où il défendra des thèses nationalistes et xénophobes, déployant une véritable haine contre les minorités les plus pauvres.
Yves Le Gall
Le Grand Dépotoir
’Eugen Barbu
Traduit du roumain par Laure Hinckel
Denoël, 560 p., 24,50 €
Domaine étranger Le Grand Dépotoir
janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139
| par
Yves Le Gall
Un livre
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°139
, janvier 2013.