Une feuille de papier scotchée sur la porte vitrée du 3, rue de Nemours confirme bien que la librairie qui se trouvait là s’est transformée en maison d’édition, comme si l’établissement à l’instar des saumons, remontait la chaîne du livre de l’aval vers l’amont.
On pénètre dans une pièce assez modeste où l’espace occupé par trois bureaux est mangé par les livres : ceux publiés ici en premier lieu, mais aussi d’autres, venus souvent d’outre-Atlantique, versions originales de titres repris en traduction par la maison parisienne. C’est là que Mathilde Helleu, assistante d’édition (mais aussi traductrice et auteur comme chacun de ceux qui travaillent ici), Jérôme Schmidt (1,90m à vue de nez) et Alexandre Civico (d’une altitude plus raisonnable) construisent un catalogue de fictions et d’essais. Derrière cette pièce, un espace plus restreint accueille le bureau de François Morice, chargé des relations avec la presse.
S’il est un mouvement qui a marqué ces dernières années le paysage littéraire français, c’est bien l’apparition du groupe des Incultes parmi lesquels Arno Bertina, François Bégaudeau, Claro, Maylis de Kerangal, Mathias Enard, Mathieu Larnaudie, Oliver Rohe. Le nom qu’on attache au groupe est lié à la création de la revue Inculte en 2004.
En 2002, les affinités électives réunissent quatre amis qui s’étaient lancés dans l’aventure du magazine Chronic’art, version papier du site internet. Il y avait là Maxime Berrée (par ailleurs traducteur), Oliver Rohe, Benoît Maurer (qui dirige les éditions Imho spécialisées dans le manga) et Jérôme Schmidt : « On a démissionné rapidement parce que la presse culturelle, ça nous gonflait. On recevait deux cents livres, deux cents disques et on allait voir deux cents films : on n’y prenait plus de plaisir. »
Berrée et Rohe démissionnent quand Léo Scheer, le nouveau propriétaire de Chronic’art, censure un article de Pierre Bottura début 2003. Avec un projet en tête, le quatuor rencontre Jean-Claude Fasquelle, l’ancien directeur de Grasset & Fasquelle « qui a eu la bonne idée de nous filer un chèque de dix mille euros pour qu’on lance un magazine littéraire en kiosques qui devait s’appeler Inculte. La maquette était déjà prête ». Fasquelle les présente à un investisseur « qui nous a plantés et a lancé Topo. Il a su qu’on allait créer un magazine concurrent au sien, il a fait mine de vouloir nous aider en nous promettant bureaux, ordinateurs et fiches de paye. Évidemment, on n’a rien eu de tout ça et on n’a pas lancé notre magazine… Topo a fermé quelque temps après ; c’était un truc immonde. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jérôme Schmidt ne pratique pas la langue de bois ; le gaillard sabre joyeusement. Joueur de poker professionnel, il dirige en parallèle une société qui propose un magazine (Poker 52), des documentaires pour Arte sur l’univers du jeu, et écrit des livres d’initiation au poker. « Ici, on fait aussi bien les livres d’Inculte que le...
Éditeur Portes ouvertes
octobre 2012 | Le Matricule des Anges n°137
| par
Thierry Guichard
Issues de la revue du même nom, les éditions Inculte exhument des monographies, dégotent d’étranges fictions anglo-saxonnes ou françaises, et mêlent documents et essais à un joyeux catalogue.
Un éditeur