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Poésie Rêveur de steppe

mai 2012 | Le Matricule des Anges n°133 | par Richard Blin

La houle sèche de folles chevauchées hante les stances caracolantes d’un Pascal Commère en retour
de Mongolie.

Tashuur : un anneau de poussière

Le titre claque comme le fouet qu’il désigne dans la rude langue étrangère des cavaliers mongols. Il coiffe un livre né d’un séjour en Mongolie, d’un vieux rêve de steppe « en son dénuement altier », de lune « dans l’œil du loup », de vie nomade et de galops aux côtés de ces cavaliers du vent dont la course semble n’être qu’exaltation de la liberté. Un ailleurs auquel invite la citation d’Apollinaire placée en épigraphe – « À la fin tu es las de ce monde ancien » – et les tout premiers mots : « Et de ce monde-ci ». Il est donc parti, Pascal Commère, sans trop savoir ce qu’il allait chercher. « Qu’espérais-tu ? De l’ailleurs guérir en toi d’un mal d’exister qui te cerne de toutes parts. » Mais lui qui se dit « fouleur d’herbe, rien de plus », lui qui aime tant les chevaux, n’a pas choisi par hasard la Mongolie. C’est pour une autre façon d’habiter le monde qu’il a opté. Pour renouer avec la temporalité perdue des caravanes, réajuster son âme au contact direct et immédiat de l’existence – intense et légère à la fois – des peuples de la steppe. Pour retrouver un peu de l’harmonie séculaire unissant l’homme et sa monture, et partager de près la vie d’une société qui privilégie la mobilité aux dépens de la fixité. Pour côtoyer, même si c’est « semblable et différent », ces seigneurs d’un pur royaume de l’étendue. « Cavalier ! Ce qui : crins, les pans du vêtement. S’envole, rasant la terre. Mongole !  »
Une invite à habiter cavalièrement le monde, à se griser d’un territoire que rien ne fixe. C’est ce sentiment très vif de vivre des moments de confiance, d’échange, d’acquiescement profond à ce qui est, que Pascal Commère tente de mettre en mots dans Tashuur. Mêlant poèmes et proses, il parvient à nous faire partager sa volonté de se laisser saisir et posséder par l’esprit de la steppe, tout comme il parvient à nous immerger dans le flot de sensations, de sons, de pensées qui l’assaillent, de jour comme de nuit. L’écriture intensifie ces instants. Souvent elle progresse à l’oreille, s’oriente à l‘instinct, dit l’ivresse et l’essor du martèlement du trot, de la rumeur des galops, de cavaliers qui surgissent. « Surgis. Un temps dans la lumière, lampe frontale. Voix rauques / les syllabes crachées entre les encolures. Pied à terre, aussitôt // assis sur les talons, ou posés seulement genou au sol. Derrière, / les hongres piaffant, un mètre ou deux s’ils ne les touchent, // cuir contre cuir, chanfreins bas… »
Récusant la lyrique facile, la syntaxe se fait sauvage et le phrasé – tout en coupes cavalières – impose un tempo hardi, un style aussi dépaysant à l’oreille et à l’œil que les paysages mongols. Ou alors, c’est le poème qui prend de soi-même le galop, qui répercute quasi physiquement l’écho des chevauchées, le « souffle de feu » des bêtes ou l’allure des troupeaux crins au vent, foulant « l’ombre rase des steppes » ou fourrageant nez au sol, « mufle râpeux ». « Ce qui vaut écriture, la marche des troupeaux. » Du tournoiement incessant des cavaliers autour d’un centre qu’on croirait vide, à l’âme du renard qu’on croit voir danser sur la neige, c’est l’adéquation physique entre des paysages et des vies – celles des hommes et celles de bêtes – que souligne Pascal Commère. Tout un vécu en alerte – depuis les loups qui rôdent jusqu’à l’extase de la course au gré du vent – qui emporte, transporte, et participe de cette étrange fascination qui, à l’ombre des légendes, aimante tous les désirs de départ et d’errance.
Et même si les camions ont tendance à envahir la piste, la vie vagabonde, sous « le lait de la pleine lune », ou parmi la « poussière primale à / face de centaure », est encore la seule qui permette de se perdre au-dedans de soi ou dans « les syllabes tenues secrètes / d’un nom désormais impossible / à prononcer »  ; la seule permettant d’accéder à cette poésie de l’être à qui le cercle de la nuit, le feu, l’herbe, le vent sont aussi nécessaires que la métaphysique.

Richard Blin

Tashuur. Un anneau de poussière
Pascal Commère
Obsidiane, 112 p., 14

Rêveur de steppe Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°133 , mai 2012.
LMDA papier n°133
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