Le nouvel ouvrage de la romancière et traductrice Hélène Frappat a pour lui une cohérence poussée à l’extrême entre le fond et la forme, entre l’écriture et son propos. Les personnages qui l’animent (grande bourgeoisie provinciale), les types de paysages dans lesquels ils évoluent (abords du lac Léman, luxueux appartement parisien, manoir champenois, innombrables villégiatures ad hoc) et l’écriture, précieuse à souhait, qui manipule l’ensemble, ne sont pas spécialement faits pour inspirer notre sympathie. Une curiosité, pourtant, pousse à prolonger la lecture, sans doute grâce à l’avertissement formulé par une prometteuse quatrième de couverture, laconique comme on les aimerait plus souvent : « Si tu n’entres pas dans ma chambre, je n’entrerai pas dans tes pensées. » Il y a là la trace d’une effraction, une vague résonance télépathique ainsi que l’imminence d’un drame. Trois éléments auxquels va, de fait, se confronter le narrateur, en visionnant de vieux films de famille achetés aux puces de Clignancourt pour une cinquantaine d’euros. S’entremêlent alors, sans que les raisons en soient jamais clairement établies, l’histoire d’Aurore, l’héroïne filmée sans répit par son père puis par son fiancé, celle de A., jeune télépathe, et enfin celle de Sabrina, qui s’introduit de nuit dans des appartements étrangers. Une équivoque naît alors concernant l’identité des unes et des autres, jusqu’aux dernières pages dans lesquelles intervient le drame pressenti plus haut, qui signera un acte majeur de libération… La position la plus intéressante, et malheureusement la moins développée, est celle du « spectateur accidentel » des trente années de la vie d’une autre. Quant au reste… On est en présence d’un joli paquet trop bien enrubanné pour parvenir à semer ne serait-ce qu’un grain de trouble. D’autres effractions, de nos jours, se produisent quotidiennement, qui retiendront davantage notre attention que ce minime cambriolage intime qui aurait tout aussi bien pu ne jamais avoir lieu.
Par effraction
de Hélène Frappat
Allia, 125 pages, 6,10 €
Domaine français Par effraction
novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108
| par
Camille Decisier
Un livre
Par effraction
Par
Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°108
, novembre 2009.