Célèbre dramaturge polonais, Mrozek, censuré dans son pays, vécut, à partir de 1963, en Italie, puis, pendant plus de vingt ans, en France. Alors que la Pologne troquait la prison communiste pour la jungle néo-libérale, il décida, en 1996, de rentrer à Cracovie, ville de sa jeunesse - mais une nouvelle épreuve l’y attendait : en 2002, une hémorragie cérébrale le rendit aphasique. À celui qui avait inventé de multiples personnages qui se manifestaient, sur scène, par la parole, les mots étaient désormais interdits. Afin de les reconquérir peu à peu, il se lança dans cette entreprise : partir à la recherche de ce double d’autrefois, lui-même, qu’il appela Balthazar. Si ces pages, comme il le dit en conclusion, « ont accompli leur œuvre en tant qu’élément de (sa) thérapie », leur intérêt proprement littéraire est plus discutable. Sans doute désirait-il avant tout mettre en phrases des souvenirs, en tentant d’être au plus près de ce qui fut vécu : la première moitié du livre, portant sur son enfance et son adolescence (il est né en 1930), offre donc l’aspect un peu décevant de compte rendu factuel - à l’écriture assez terne - de quelques expériences marquantes, de certaines lectures, de quelques rencontres. La seconde partie de l’œuvre est bien plus intéressante : nous y voyons Mrozek, semblable à certains personnages de Kundera (songeons au jeune héros de La Vie est ailleurs), céder quelque temps à « l’illusion lyrique » des débuts de la Pologne communiste et commencer sa carrière comme journaliste inscrit au Parti. Son enthousiasme relatif fera long feu : il devient dramaturge - à succès - au moment où le pays connaît un « dégel » consécutif à la mort de Staline, mais ce dégel lui-même est très court, et donc illusoire : il ne lui reste plus qu’à s’exiler.
Balthazar de Slavomir Mrozek
Traduit du polonais par Maryla Laurent
Éditions Noir sur Blanc, 234 pages, 18 €
Domaine étranger La langue sauvée
octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87
| par
Thierry Cecille
Un livre
La langue sauvée
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°87
, octobre 2007.