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Poésie La grammaire selon Stein

mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71 | par Emmanuel Laugier

L’œuvre de Gertrude Stein, la poète-cubiste, se révèle comme l’une des plus novatrices de la littérature anglo-américaine. La preuve par trois parutions.

Tendres boutons

Strophes en méditation

Correspondance Picasso Stein

D’origine américaine, Gertrude Stein (1874-1946) naît en Pennsylvanie dans une famille d’émigrants juifs allemands. Elle passera la plus grande partie de son enfance en Californie. La philosophie, les sciences et la psychologie l’attirent, et elle commence des études de médecine abandonnées en 1901. Ce n’est que trois années plus tard, habitée par ce qui se trouve en marge de sa propre culture bourgeoise, qu’elle rejoint son frère Leo à Paris. Elle choisit donc la France pour terre d’accueil et d’écriture. Leo, même s’il rejettera dès 1910 le cubisme radical de Picasso, l’initie à la peinture. De toutes les relations que les Stein avaient avec le milieu artistique du Paris d’alors, Picasso sort vite du lot. Elle se sent rapidement son égal (Picasso a cinq ans de moins qu’elle), littérairement parlant, en deviendra, pour la modernité, le double littéraire. Les plus avisés des critiques de l’époque, qui connaissaient aussi bien la peinture que la poésie, parlèrent tôt de l’œuvre de Gertrude Stein comme celle d’une retranscription formelle des problèmes que posait le cubisme, l’écriture y devenant, par les bouleversements de construction, de syntaxe et de grammaire, une véritable nouvelle architecture de la vision, de l’écoute et de la lecture. Tendres boutons (1914) est l’emblème de cette révolution (la postface du livre est remarquable par sa précision et sa rigueur). La traduction qu’en propose Jacques Demarcq (traducteur de E. E. Cummings), par ses audaces et ses trouvailles, offre au lecteur toute la force et l’étrangeté que ce livre déplie en autant « d’objets et d’ustensiles, de matières et de matériaux, de corps et d’étendue, de lieux et de moments, ainsi que le laisse entendre le sous-titre :» objects *Food* Rooms«  ». Ainsi dans Mouton : « Tout espace n’est pas tranquille il est si probable qu’il soit brillant. L’obscurité la très obscure obscurité a des parties. Il y a une façon de voir dans l’oignon et sûrement très sûrement rhubarbe et une tomate, sûrement très sûrement il y a cet ensemencement » ou encore dans Airelles ce très renversant « Un degré remarquable de rouge signifie cela, un remarquable échange a été effectué ».
La correspondance de Stein/Picasso, faites de billets, de cartes postales illustrées, d’avertissement (arrivées, décès), de nouvelles (travail, guerre de 14-18), de lettres-poèmes de l’Américaine dès 1930, révélera ce l’un apportera à l’autre, jusqu’à ce « Expliquez-moi ça » interrogateur lancé lors des multiples séances de pose (1906) qui nous donneront le fameux portrait de Gertrude Stein. Si nous ne savons presque rien de ces échanges, la correspondance montre néanmoins, sur presque quarante ans, que leur amitié était évidente, chacun se sachant l’égal de l’autre, malgré les dissonances langagières, le français approximatif qu’ils utilisaient pour se dire, pour comprendre, par exemple, à demi-mot l’importance qu’eut pour eux deux l’œuvre de Cézanne. Cela valut à Stein d’écrire dans ses Trois vies, un Picasso aussi fort que l’est le Giacometti de Genet.
Les Strophes en méditation, elles, publiées en 56, poursuivent le travail sur la mémoire et les perceptions commencé avec Tendres boutons, mais ce livre répond plus directement au succès de l’Autobiographie d’Alice Toklas (paru en 1933), sa secrétaire et compagne de vie. À la quasi linéarité de l’Autobiographie…, les Strophes en méditation répondent par un entrecroisement très dense de leur vie commune, mais aussi de tout ce qui constitue la réflexion de Stein sur l’écriture : « Voici maintenant une longue strophe/ Même si même si elle ne commence pas bien/ Car quelle que soit leur manière de trouver le moyen/ De bien penser existera-t-elle/ Faut-il que je me souvienne de ce que je porte/ Puis-je organiser cela puisque étrangement/ Puis-je ne puis-je pas même me marier (…) ». Une archéologie de la modernité incontournable.

Gertrude Stein
Tendres
boutons
Traduit de l’américain par Jacques Demarcq
Préface
d’Isabelle AlfandaryÉditions Nous112 pages, 18 Strophes
en méditation
Traduit de l’américain par Christophe
Marchand-KissAl Dante216 pages, 20 Gertrude Stein/ Pablo Picasso
Correspondance
Édition établie par Laurence MadelineGallimard, « Art et artistes »384 pages, 29

La grammaire selon Stein Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°71 , mars 2006.
LMDA PDF n°71
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