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Poésie L’être et le béant

janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69 | par Richard Blin

Pour dire le grand charivari acide et fauve de tout ce qui passe et fuit, Henri Droguet dompte et conduit un vers aussi déferlant que musicien.

Henri Droguet c’est d’abord un climat et une voix qui donne du corps aux pleins et aux déliés de la lutte majuscule que se livrent les éléments. Son poème est ouvert aux vagues, aux vents, aux « splendeurs hasardeuses » et aux dérives sauvages. Il y a « de l’embolie dans le chaos de l’éboulis / du bibelot de l’abattis de l’embargo / déferlements hirsutes / labours à l’étalée des déluges / soulèvements des lointains ripaille / aux cieux tronçonnés inverses cataractes / trombes férocités splendides chevelues / les étoiles s’embardent et dérapent / l’horizon veuf grand fond grand vide / refait surface invente au carré / ses chimères… »
C’est ça Droguet, le tumulte et le démesuré dans le serré, toute une effervescence chaotique, une lumineuse véhémence aussi qui tient autant de la frénésie amoureuse que du « grand dépli de la houle ». C’est que, né à Cherbourg en 1944, et vivant à Saint-Malo, il connaît et fréquente la mer depuis toujours, « la mer / en vrac à tailler ton âme trop / vaste défi / nitivement pour ton corps / elle flotte ». À l’image un peu, d’une vie qui semble elle-même flotter entre deux eaux, comme en attente d’événements à subir ou à provoquer. Car c’est la géométrie fractale du vivre que met en mots Henri Droguet, le merveilleux désastre de notre condition humaine, les ravages de l’entropie et l’inéluctable passage de la mort. « J’ai cinquante-neuf balais tout rond / et je ne laisserai dire à personne / et coetera… et coetera ». Alors, face à « la mort courue d’avance », il a choisi d’opposer l’humour, la dérision ou le jeu de mots « à bouche qu’on veut tue ». La mémoire aussi, ainsi que l’enfance et son « innocence dégoupillée », ou les songes qui en restent « la nuit racaillée pétillait s’enfourchait / nous courions à l’égarée / sous le tressaut des astres improbables / et des pommes où le vent s’enfournait / l’histoire était perdue défaite / momentanément tout roulait / tout roulait ».
Emporté, balayé, tout ça, par le vent qui malmène, disperse, « extravague et triture ». Un vent quasi quotidien qui dit la musique du dénuement, émeut l’espace et le temps, dénude la réalité, n’en livre qu’une sorte d’écorché, « la splendeur effarante et confuse ». Ce que souligne, à leur façon, les deux citations mises en exergue. « Je ne dépeins pas. Je peins. / Je ne représente pas. Je présente » (Pierre Soulages), et « Je n’objecte rien à ce qui tombe sous les yeux » (Nicolas de Staël).
Le vent, symbole de toutes les fluctuations d’ici-bas et de ce qui fait battre le cœur. « Regarde ! de tous tes yeux regarde / la splendeur fauve polychromique et brève des érables / le vent des mers le ciel éparpillé les longs nuages / exubérants vergers hydrophiles châteaux asymétriques / les bataclans l’à s’y méprendre océanique / éperdu grommellement des au-delà / les balcons noirs / et notre dit-on mère naturée naturante / qui rit de se voir Cybèle /… et passons ! » Le branle des vents, les figures désamarrées des nuages et leur vérité transitoire, l’océan et l’absence de repos des apparences, sont une façon de donner forme au temps, d’évoquer aussi la douleur du temps qui passe. Mais par-delà ces phénomènes de présences et de mouvance, le vent est, pour Henri Droguet, l’élément emblématique de l’événement poétique (Ventôses, 1990, Champ Vallon, était déjà le titre d’un de ses premiers livres). Instance de dispersion comme de rassemblement, il est le souffle fait rythme, l’énergie qui déplie, nuance ou chahute le frêle esquif du vers, qui devient ce bateau ivre ou démâté divaguant dans les noirceurs du temps.
Des embardées, des galopées, des égarements heureux, c’est « la poèse et la prosie » du monde que met en musique Henri Droguet. Sur fond mobile d’évidences éphémères et de chair « toujours neuve toujours / égarante ». Et avec, se détachant sur « le rien des millénaires », l’homme, « ce matériau ravagé désossé qui tombe / en pièces détachées des nues ».

Richard Blin

Avis de passage
Henri Droguet
Gallimard, 140 pages, 15

L’être et le béant Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°69 , janvier 2006.
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