J’habite pour quelques semaines dans Shinjuku (…) dans Shinjuku le quartier d’Okubo, dans Okubo un tout petit « studio » loué à Mr Fujiwara Hiro (…) « . Cette édition de Tokyo infra-ordinaire (parue d’abord en 2003), est augmentée, et par un ajout de l’intérieur plutôt qu’à la manière d’une suite, comme ce passage introducteur en forme de » figuier « , forme de prédilection de l’auteur, en fait la démonstration. Cette branche peut-être plus modeste de son vaste projet est une ramification fort permissive, éclatée, où chacun des niveaux narratifs insérés a sa couleur d’impression et son degré d’humour. Roubaud l’oulipien fait une fois de plus montre d’un sensible génie mathématique et poétique, mais il se confine ici à l’ » infra-ordinaire « , en clin d’œil à Perec, que ce dernier décrirait comme » le bruit de fond, l’habituel " auxquels l’écrivain doit pouvoir s’attarder. Jacques Roubaud est à Tokyo, sur la Yamanote line, ligne de métro à laquelle il consacre, ce jour-là dirait-on, sa poésie. En cours de composition de ce demi-chapitre à la forme probable de haibun, prose japonaise aux dix styles possibles, il nous éduque, nous emmène, nous fait sourire, nous rappelle. À la station 8 (Komagome), au septième vers de son poème de métro, donc, selon la règle du genre, un petit insecte se pose sur lui et provoque une réflexion inédite. Toujours ces moments-prose, des images-souvenirs et des images-mémoire, numérotés ou non, fondement de l’œuvre entière, qui incitent à revenir aux premières arborescences du figuier, écrits précédents, par exemple au sombre et somptueux Quelque chose noir, toujours dans cet humble et conscient refus d’une orientation planifiée, dans ce voyage foisonnant vers l’intérieur, d’incises en incises.
Tokyo infra-ordinaire de Jacques Roubaud
Inventaire Invention, 90 pages, 8,50 €
Poésie Propositions incises
janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69
| par
Hélène Pelletier
Un livre
Propositions incises
Par
Hélène Pelletier
Le Matricule des Anges n°69
, janvier 2006.