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Entretiens Melquiot l’hé-mot-phile

juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45 | par Laurence Cazaux

Après avoir été comédien, ce jeune écrivain se consacre entièrement depuis trois ans à l’écriture théâtrale. Les mots coulent de lui, dans un flux poétique étonnant.

Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit (suivi de) Dernière Balade de Lucy Jordan

Fabrice Melquiot est une comète dans le monde de l’écriture théâtrale. C’est un jeune auteur (il est né en 1972 à Modane en Savoie) avec une production foisonnante (douze pièces publiées depuis 1998 et au moins six autres en attente de publication), un style poétique qui puise dans l’enfance et l’adolescence avec énormément d’énergie. Fabrice Melquiot nous parle d’amour fou, de la perte de l’autre et même quand il traite de la guerre, il parle encore d’amour, d’amitié, de résistance. Dans les deux dernières parutions, Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit et La Dernière Balade de Lucy Jordan, la présence de la mort se fait plus insistante, rendant la vitalité encore plus en urgence. Et le désir de la rencontre encore plus évident.
Un premier échange de mail. L’écrivain est en Espagne « à la recherche de quelque fantôme égaré ». Il revient la semaine suivante à Paris pour assister aux représentations de sa pièce Bouli Miro au TEP (Théâtre de l’Est Parisien) dans une mise en scène de Patrice Douchet. Rendez-vous est donc pris au théâtre, deux heures avant le spectacle. Dans le hall d’entrée du TEP, une photocopie d’un interview. Quelques phrases piochées au hasard : « Grandir c’est se casser la gueule. On apprend qu’une chose : vivre ne suffit pas. Quand on a pigé ça, y’a intérêt à déconner… » ou encore « Le pays de l’enfance, c’est des nœuds de marin. La pluie tombe dessus, toute la vie. Va défaire les nœuds après ça. Va sourire après ça sans un peu de mélancolie ». Fabrice Melquiot arrive, un bonjour chaleureux à toute l’équipe du théâtre et on s’installe dans un coin, près d’une grande table, avec plein de crayons de couleur et de feuilles de papier dessus, destinés à faire patienter les enfants avant le spectacle…

Quels fantômes avez-vous rencontrés pendant votre voyage en Espagne ?
J’ai fait plusieurs séjours en Espagne. J’étais parti chercher des impressions sur la perception qu’on peut y avoir des personnages de Cervantès. Et je suis rentré avec un monologue accidentel.

Vous associez souvent l’écriture d’une pièce à un voyage ?
Les voyages, je les collectionne depuis que j’écris vraiment, depuis trois ans, où presque tous les mois, je me donne une destination à l’étranger. Chacune de mes pièces est reliée à un voyage, à une aventure vécue. Je pense qu’il n’y a pas tellement de sujets, j’ai plutôt tendance à essayer de suivre mes intuitions. Cervantès, c’était juste une intuition. Je ne savais pas grand-chose, j’avais lu Don Quichotte il y a longtemps. Ce monologue je ne l’attendais pas. J’étais à l’aéroport de Madrid, je devais prendre mon avion après une nuit blanche. Derrière moi s’est assise une très jolie jeune femme. Je me suis mis à observer la manière dont les hommes la regardaient. J’ai commencé les premières lignes d’un texte avec l’intention de les donner à cette femme. Je ne la reverrai sans doute jamais, j’ai donné ces quelques lignes sans aucune autre information. Quand je suis...

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