Dans le sillage de son premier roman, Le Vol du pigeon voyageur (Gallimard, 2000), Christian Garcin continue d’arpenter la Chine. Cette fois, il le fait dans une forme qui lui convient mieux : celle des proses courtes et léchées qu’il pratique depuis Vidas (Gallimard, 1993). Les textes d’Itinéraire chinois tracent la carte d’un continent aussi intime et mythique que réel et trivial. La Chine est d’abord le lieu où, pour l’écrivain, « l’adéquation entre moi et moi serait enfin trouvée, et atteinte cette conscience aiguë, plus haute -mais illusoire sans doute - du monde ». Voyager avec Garcin en Chine (et un peu en Inde), c’est apprendre à accepter le mystère sans chercher à le résoudre (le livre est sous-titré Une énigme), c’est comprendre enfin « que nous ne pouvons que refermer nos bras sur l’absence qui nous isole les uns des autres ».
Son regard est sans jugement : il n’est fait que de points d’interrogation. L’ouvrage s’achève par un épisode initiatique suspendu entre réalité et fiction. Et l’écrivain de dire à propos de ce lieu de toute adéquation qu’il recherche comme s’il y avait rendez-vous avec lui-même : « En somme, il s’agirait d’une fiction ».
Mais les fictions de cet homme ne sont jamais seulement des fictions, et ses textes courts sont plus longs qu’il ne paraît. Une théorie d’écrivains le montre. Vingt fois, un narrateur anonyme nous raconte un moment précis dans la vie d’un ami écrivain qui est ou deviendra célèbre. Une de ces courtes nouvelles commence ainsi : « C’est pourtant simple, m’a dit William Faulkner hier soir ». Une autre par : « Je me suis tout de suite rendu compte que Sadegh Heddayat ne m’avait pas vu entrer ». Ici on croisera Kafka « recroquevillé dans son pardessus », là Mishima à la barre fixe, ailleurs Hemingway ou Celan. Récits courts et inventés où pourtant se fait jour le destin de chaque écrivain, sa langue aussi et le rapport d’intimité entre le lecteur Garcin et ses maîtres. Car, comme il l’écrit pour Stendhal : « ses livres (parviennent) à susciter un sentiment complexe qui pourrait bien, au bout du compte, être de l’amour. »
CHRISTIAN GARCIN
ITINÉRAIRE CHINOIS
L’Escampette
122 pages, 89 FF (13,57 o)
UNE THÉORIE D’ÉCRIVAINS
Théodore Balmoral
105 pages, 85 FF (12,96 o)
Domaine français Chemins intimes
août 2001 | Le Matricule des Anges n°35
| par
Thierry Guichard
Des livres
Chemins intimes
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°35
, août 2001.