Grande nuit de Toussaint
La beauté de ce livre réside dans la parfaite correspondance existant entre textes et photos. Les liens qu’ils tissent entre eux sont tels qu’on se demande si l’écrivain a choisi de poser ses mots sur des clichés existants ou si c’est l’inverse qui s’est produit. Avec son format adapté au dialogue textes/images et son papier choisi avec soin, Grande nuit de Toussaint est également un remarquable travail d’édition.
Pourquoi porte-t-on une attention particulière aux morts, le lendemain de la Toussaint ? La question qui sert d’ouverture au livre semble propice au surgissement de la fiction. Si les références bibliques sont manifestes ici, à commencer par la structure de l’ensemble, composé de deux antiennes (refrain chanté avant et après le psaume) encadrant six lectures (texte lu ou chanté par un seul), l’écrivain et le photographe parviennent rapidement à dépasser les teintes chrétiennes pour élargir leur champ de vision. Les six lectures deviennent alors autant de contes envisageant la mort. Ils reprennent les thèmes récurrents de l’auteur du Livre des Nuits. La guerre, l’image du corps sans tête ou la nuit recouvrant peu à peu les yeux d’une petite fille, dans le très beau La Nuit arborescente.
Partout, on retrouve cette langue inimitable de douleur propre à Sylvie Germain : « Ils ne pleuraient pas, ils mâchaient leurs larmes en silence, ils mâchaient des lambeaux de nuit lacérée de feu, de cris, de sang. Et leur amour, fou d’inquiétude les uns pour les autres, leur brûlait le front, sifflait entre leurs lèvres sèches. »
Les photos en noir et blanc de Jean-Michel Fauquet suivent les textes pas à pas, suffisamment floues pour que l’image mentale du lecteur ne soit pas contrainte d’abdiquer devant une représentation unique.
Grande Nuit de Toussaint
Sylvie Germain /
Jean-Michel Fauquet
Le Temps qu’il fait
80 pages, 140 FF (21,34 o)