RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Un auteur
Aux noms des siens
Les textes qui composent le nouveau livre de Patrice Robin, constituent, plus qu’un portrait de l’auteur, celui d’une classe sociale à laquelle il est rarement accordé un peu de reconnaissance.
Si Le Visage tout bleu débute avec le récit de la naissance difficile de son auteur, c’est sans exhibitionnisme que Patrice Robin l’a écrit. Bien au contraire. « Naissance » pose ainsi le lieu d’où l’écrivain nous parle. Venu le cou étranglé par le cordon ombilical, l’enfant survivra grâce à l’oxygène de la forge de son oncle. On naît parfois le visage d’un bleu provoqué par l’asphyxie et...
S’ouvrir à tous les possibles
En rassemblant sept années de publications éparses, l’anthologie de la jeune Laura Vazquez vient confirmer l’émergence d’une voix poétique inouïe et puissante.
Ce sont des poèmes publiés en revues (Organisation de la chute, Par ici la sortie !, Sabir, Sunset RS, etc.) chez ses premiers éditeurs (Derrière la salle de bains, Plaine page, Cheyne) ou issus de commandes auxquelles Laura Vazquez, 36 ans, a répondu. Son premier roman La Semaine perpétuelle (éditions du Sous-sol) paru l’an dernier avait révélé à un plus grand nombre de lecteurs la...
Cape d’invisibilité
En une mosaïque psychédélique et métaphysique, le Costa-Ricain Carlos Fonseca s’ingénie à brouiller nos sens. Dru, prégnant, extrêmement subtil.
Dissocier le fond de la forme convoque aux portes de la perception, nécessite une acuité singulière, presque un changement d’état pour accéder à une vérité, au réel, au cœur même du mystère. La Psychologie de la forme ou « gestaltpsychologie (…) met l’accent sur les ressemblances structurales entre les formes perçues globalement et les ensembles moteurs considérés également comme totalités »...
Un auteur
Barcelone, de câpre et d’épée
Dans un roman de grandeur et de décadence, Miqui Otero nous raconte les quarante dernières années de la capitale catalane. Polyphonique, luxuriant et émouvant.
Les villes comme les romans sont composés de strates, d’accumulations, de précipités de vies, de gestes héroïques et triviaux, de tumultes et de silences, de soumissions et de révoltes… Des palimpsestes étonnants. Les écrivains qui élaborent le grand roman d’une ville effacent souvent une dette contractée envers elle et ce dès l’enfance, tant les cités sont matricielles. Barcelone ne se...