La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un auteur
L’écriture comme une grenade
Qu’elle écrive des romans ou de la poésie, sur la mort de proches ou la violence faite aux femmes, Caroline Lamarche semble user d’un même carburant : la colère. Une colère que l’écriture transforme en beauté.
Celui qui aborde aux rives multiples de l’œuvre romanesque de Caroline Lamarche serait bien embêté ensuite de devoir en dresser une cartographie précise. Ni même d’en dresser les simples contours. Pourtant, chacun de ses livres est accueillant. La langue qui les habite est fluide, trouve d’élégantes passerelles entre fiction et réalité, interagit avec le lecteur (lire Carnets d’une soumise de...
Un auteur
La vie au bout des doigts
Il aura fallu du temps à Caroline Lamarche pour trouver le chemin de l’écriture et de la publication. Le temps peut-être de trouver et s’offrir la liberté de l’émancipation.
Je suis née après 4 fœtus morts : 3 fausses couches et une grossesse extra-utérine. Son médecin avait dit à ma mère qu’elle n’aurait jamais d’enfants. Elle avait 32 ans et en était désespérée. Elle a changé de médecin, on lui a donné un traitement, et me voilà. » Ce pourrait être une phrase d’un roman, c’est ainsi que Caroline Lamarche répond à nos premières questions. On y entend cette...
Un auteur
Une attention tous azimuts
L’écriture de Laird Hunt a beau emprunter des chemins très différents d’un livre à l’autre, elle répond toujours à une exigence de l’écoute. Celle des vivants et des morts, des fantômes que la fiction convoque pour dire l’Histoire. Jusqu’à rendre palpable chaque monde qu’elle aborde.
Laird Hunt, Zorrie, votre nouveau roman qui paraît ce mois-ci en France met à nouveau à l’honneur une figure féminine. Qu’est-ce qui vous pousse à écrire autant sur des personnages féminins ?
Ma première histoire publiée, écrite à l’automne 1990 alors que j’enseignais l’anglais au Japon, décrit une femme qui, dans l’Indiana rural, prépare le dîner pour une famille qui n’existe plus : elle...
Un auteur
Une apparition
Le dixième roman de Laird Hunt joue d’une narration épurée et sensible loin des éclats sang et nuit de ses précédents livres, pour rendre préhensible la vie d’une femme, modeste, dans l’Indiana du XXe siècle.
La Route de nuit se déroulait en 1930. La même année qui inaugure, d’une certaine façon, la vie de Zorrie, l’héroïne qui donne son nom au nouveau roman de Laird Hunt. Même année, même géographie, mais pas mêmes pinceaux. Aux éclats lumineux et sombres, à l’ivresse, la vitesse et la violence à l’œuvre dans La Route de nuit succède donc une narration tout en délicatesse, sensibilité, mesure...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Au rayon confitures
Le nouveau roman de Philippe Sollers a tout de la baudruche : imposant à l’extérieur, vide à l’intérieur. Il y a quelque chose de pathétique à lire un écrivain qui n’a rien à dire.
Malgré ses 524 pages, Une vie divine se lit vite. Rien n’accroche, rien ne retient. La langue, musicale parfois, glisse comme un air de supermarché. Il s’agit pour elle de remplir l’espace du livre, se générer elle-même pour échapper au silence, se donner l’illusion d’une pensée, attendre peut-être, comme on ferait les cent pas, que quelque chose survienne qui lui donnerait un sens. Il y a...
Gros nombril
La narratrice du roman d’Eliette Abécassis va accoucher. C’est un heureux événement. Sauf pour les lecteurs, anesthésiés à coup de bla-bla.
Certaines futures mamans se mettent à tricoter de petits vêtements pour l’enfant qu’elles attendent. Éliette Abécassis, elle, préfère tricoter des banalités à la première personne du singulier. Sa narratrice, qui lui ressemble, découvre qu’elle est enceinte. Le père a tout de l’homme idéal : rebelle et romantique, il l’emmène à Cuba ou Venise, propriétaire d’une galerie d’art près de la place...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...