La rédaction Thierry Guichard
Articles
Un auteur
Une attention tous azimuts
L’écriture de Laird Hunt a beau emprunter des chemins très différents d’un livre à l’autre, elle répond toujours à une exigence de l’écoute. Celle des vivants et des morts, des fantômes que la fiction convoque pour dire l’Histoire. Jusqu’à rendre palpable chaque monde qu’elle aborde.
Laird Hunt, Zorrie, votre nouveau roman qui paraît ce mois-ci en France met à nouveau à l’honneur une figure féminine. Qu’est-ce qui vous pousse à écrire autant sur des personnages féminins ?
Ma première histoire publiée, écrite à l’automne 1990 alors que j’enseignais l’anglais au Japon, décrit une femme qui, dans l’Indiana rural, prépare le dîner pour une famille qui n’existe plus : elle prépare le dîner pour le passé. Ayant été élevé par ma grand-mère paternelle dans une ferme de l’Indiana, où j’ai passé les années déterminantes de mon enfance, il me semble parfaitement logique que mon...
Un auteur
Une apparition
Le dixième roman de Laird Hunt joue d’une narration épurée et sensible loin des éclats sang et nuit de ses précédents livres, pour rendre préhensible la vie d’une femme, modeste, dans l’Indiana du XXe siècle.
La Route de nuit se déroulait en 1930. La même année qui inaugure, d’une certaine façon, la vie de Zorrie, l’héroïne qui donne son nom au nouveau roman de Laird Hunt. Même année, même géographie, mais pas mêmes pinceaux. Aux éclats lumineux et sombres, à l’ivresse, la vitesse et la violence à l’œuvre dans La Route de nuit succède donc une narration tout en délicatesse, sensibilité, mesure...
Un auteur
Le local moins les murs
Globe-trotter de naissance, l’écrivain Américain a déployé une œuvre romanesque polymorphique qui semble, depuis qu’elle investit des figures féminines, remonter aux racines intimes sans perdre sa force universelle.
Si partir c’est mourir un peu, alors Laird Hunt a dû mourir beaucoup. L’écrivain américain qui fait paraître ce mois-ci son dixième roman en France (le huitième traduit) a conséquemment dû naître plusieurs fois. Par exemple dans l’Indiana vers 1981. Il a alors 13 ou 14 ans et vient vivre jusqu’à la majorité chez celle qui va hanter une partie de son œuvre : sa grand-mère paternelle. À moins...
Fascination du vide
En faisant le portrait d’une famille bourgeoise de la banlieue de New York, Hope fait le procès d’une Amérique déconnectée de toute vie intérieure. Plus glaçant que drôle.
Le deuxième roman du jeune Américain Andrew Ridker (né en 1991), auquel on doit Les Altruistes (Rivages, 2019) a été salué par The New York Times selon ces termes cités en quatrième de couverture du nouvel opus : « Les personnages d’Andrew Ridker ratent leur vie dans les grandes largeurs, mais ils sont irrésistiblement attachants. » Étrange lecture d’un roman où les Greenspan issus d’une...
Mille sabords !
Le roman d’aventures maritimes de Sylvain Coher offre une aventure de lecture ébouriffante grâce à une langue d’une folle inventivité. Jouissif !
L’intrigue ne tient finalement pas à grand-chose. Nous sommes à bord du Ghost. Câline vient de passer l’arme à gauche et la femme s’est transformée dans l’esprit de l’équipage en la promesse d’un dîner de bonne chair. Blaquet, le cuistot du navire et le narrateur du roman, a aiguisé ses couteaux et s’apprête à tailler jambons et entrecôtes dans le corps de la défunte. Mais c’est compter sans...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Le BHV de l’Amérique
Sous couvert de défendre les États-Unis, le philosophe de Saint-Germain se livre à un éloge brouillon du capitalisme. Chasseur d’exotisme, BHL a bâti avec American vertigo un bazar où la pensée est bradée.
À l’aune de son écriture, Bernard-Henri Lévy ne mérite pas de collectionner sur sa chemise la trace crémeuse des tartes qu’on lui a réservées. Le style d’American Vertigo ne manque pas d’énergie. La phrase se déploie en de courtes séquences qui entraînent le lecteur toujours plus loin. Et l’on trouve même un talent de portraitiste à notre homme lorsqu’il dessine le Président américain : « Il...
À dada sur la brosse à reluire
Le « journal équestre » de Jérôme Garcin est d’un ennui feutré. D’une platitude atone lorsqu’il évoque le monde du cheval, il fait sonner le clinquant dès qu’il s’agit d’évoquer la bonne société.
On ne saurait reprocher à Jérôme Garcin un manque de sincérité dans la proclamation de son amour des chevaux. Le journaliste (directeur adjoint de la rédaction du Nouvel Observateur et animateur du « Masque et la plume » sur France Inter) ressemble à ces sentimentaux obsessionnels qui assomment leur entourage du récit de leur passion. Cet amour des chevaux, à l’en croire, l’aurait poussé à...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...