Karen Blixen, chasseuse d'histoires
Vous avez été directrice de la maison de Karen Blixen à Rungstedlund, au bord de la mer en Zélande du Nord, celle-ci même où l’écrivaine a passé les dernières années de sa vie. Qu’est-ce qui vous a amené à cet emploi qui ressemble tant à un engagement militant ?
C’est vrai ! Dans un premier temps, alors que j’étais jeune, je venais de finir mes études, j’avais entendu parler de la transformation de la maison en musée ouvert au public. Cela m’a vivement intéressée et je me suis adressée à l’ancienne directrice en lui indiquant que je souhaitais participer aux activités de cette nouvelle institution. J’ai eu la chance de contribuer à l’effort collectif en donnant des visites guidées. J’avais 27 ans et, à partir de ce moment, j’ai été séduite par ce lieu. Je l’ai même adoré, d’autant que je le connaissais intimement, tous ses escaliers, ses recoins, ses objets…
Ce n’était pas votre métier néanmoins…
Non, j’avais entamé ma carrière dans l’art contemporain, mais je conservais ce petit poste, et je venais donner de temps à autre des visites guidées.
Vous étiez créatrice ?
Non, j’avais obtenu un doctorat en histoire des idées, puis j’ai travaillé dans le domaine de l’histoire de l’esthétique et poursuivi ma carrière au ministère des Affaires culturelles du Danemark. À l’âge de 46 ans, alors que j’étais à New York, une amie m’a annoncé que le poste de direction de la maison s’était libéré et qu’il était fait pour moi. À mon retour au Danemark, j’ai rédigé ma candidature. Là, j’ai eu une grande chance de travailler avec le neveu de Karen Blixen, Tore Dinesen. C’était un homme remarquable. Il m’a laissé les mains libres pour poursuivre l’ouverture de la maison vers le public. J’ai pu monter des expositions avec des artistes kényans, des conférences, toute activité concernant le sujet postcolonial, et tout ce qui s’est déroulé durant le séjour de Karen Blixen au Kenya. C’était une période très enrichissante, pleine de défis. À l’époque, je me battais pour que le musée soit financé par la loi de finance de l’État, ce qui est arrivé au terme de mon mandat.
Vous êtes aujourd’hui l’une des plus grandes spécialistes de Karen Blixen…
J’ai intensivement travaillé avec son œuvre, et puis j’ai beaucoup communiqué son œuvre en France, notamment parce que mes racines sont franco-danoises.
Quels étaient les rapports de Karen Blixen et de la France ?
Blixen était très amoureuse de la France, elle avait un lien très particulier avec la France. La langue française a beaucoup compté pour elle. Il était assez évident de poursuivre ce lien. À la maison Blixen, on a d’ailleurs reçu beaucoup de visiteurs français, et les ambassadeurs évidemment. Ce n’est pas très connu mais elle parlait très bien le français et l’écrivait également très bien. Elle n’était pas uniquement anglophone…
Elle est venue souvent en France ?
Pas très souvent, mais elle est venue. Très jeune, elle était dans une école pour...

