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Revue Le galapiat du fanzine

mai 2023 | Le Matricule des Anges n°243 | par Éric Dussert

Ancien patron de la NRf, le poète Jacques Réda fabriquait son fanzine sur les hauteurs de Paris. Pour le plus grand plaisir de ses amis.

Parisien comme on n’en fait plus, Jacques Réda a forgé une bibliographie qui possède la double caractéristique d’associer à la plus classique des marques, celle de la NRf, des virées subreptices dans le champ de l’édition pour esthètes et de la presse autonome… Après avoir quitté en 1996 le poste prestigieux de directeur de La Nouvelle Revue française, c’est d’une plume bien tempérée que le marcheur de Paris et régions circonvoisines, soutenant ardemment la tradition des Léon-Paul Fargue et Yves Martin, par ailleurs défenseur lui-même du vers contre les marées de la post-modernité (Quel avenir pour la cavalerie ? Buchet-Chastel, 2019), s’est attaché à fourbir ses essais sur le jazz et ses recueils de poèmes, et, pour occuper ses loisirs, s’est adonné à la presse libre. Membre du comité de lecture de la maison Gallimard, il avait dès 1985 donné des signes d’autonomisme en faisant renaître quelque chose de l’esprit souriant de Jean Paulhan dans les pages de la NRf : un mélange éditorial rare, subtile combinaison d’accueil bienveillant, d’érudition plaisante et d’humour délicat. 1996 allait marquer aux yeux de beaucoup la fin de la dernière période agréable de la NRf. Mais qu’allait-il bien pouvoir faire, lui, de ses jours ?
Ni Docteur Jekyll ni Mister Hyde, Jacques Réda est cependant un écrivain plein de paradoxes. Quittant la maison de l’académisme (« académicmac », lançait Mandiargues à propos de l’entrée de Paulhan à l’Académie française), il allait forger un projet que de rares auteurs parviennent à mettre en œuvre : une revue uninominale ! (cf. « Les revues d’un seul, ou l’apothéose des fortes têtes », La Revue des revues, n°56, 2016). Sur les brisées d’un Alphonse Karr (Les Guêpes), d’un Octave Mirbeau (Les Grimaces) ou d’un Léon Bloy (Le Pal), il conçut seul Le Citadin, bulletin paraissant dans le XXe arrondissement qui vit le jour en novembre 1997 avec cette question aux lèvres « Où peut-on de nos jours se procurer encore des allumettes ? » Calligraphiée par lui-même, photocopiée pareillement sur papiers de couleur, pliée itou et mise en enveloppe à destination de quelques amis par le poète en personne, cette petite feuille revendiquait la parfaite autonomie du fanzine et de la pensée libre et primesautière d’un individu de bonne compagnie soucieux de la bonne humeur de ses contemporains. Il était en cela plus proche du Cami du Petit Corbillard illustré que des pamphlétaires sus-cités. À peu près périodique, son bulletin « fait main » était au fond l’héritier du journal consacré au football que l’écolier Réda fourbissait sur les bancs de l’école et, surtout, des Petites Feuilles de Charles-Albert Cingria (1941-1942 ; L’Âge d’homme, 2018), le grand Helvète dont Réda est un lecteur mordu. Le fanzine du galapiat de la poésie française est de la même eau, entre galéjades et sourires. Désormais, le reprint procuré par Fata Morgana est une merveille de joie, de poésie et de plaisirs surfins : le tout est délectable.
Avec ses reportages pédestres dans le XXe arrondissement, ses chroniques de la vie infra-ordinaire, ses poèmes, photos, parfois empruntés à des amis (Jean Grosjean, Gérard Macé, etc.), ses poésies ironiques ou amusantes, ses notes de lecture et ses propos sur les lignes de bus ou l’immeuble « de la rédaction », Le Citadin est un rare compendium très intime puisqu’il avoue ce qui passe par la tête du poète (il aura été parfois complété du Petit Poète illustré, non repris ici). Les amateurs de polémique y trouveront leur plaisir : se dédoublant, le meneur du Citadin raconte la vie interne de cette entreprise de presse hautement capitalistique, la « Société Interflou-Polypress », facétie roulante, qui laisse à « Robert » tout le travail, évidemment, une vie excitante à laquelle « la grande, belle et sage famille Lê-Van Thaï » prend part pour la plus grande joie des amateurs de comique de répétition. Ne réside pas loin le Monsieur Tristecon, chef d’entreprise de François Caradec (L’Arbre vengeur, 2018)…
En somme, Jacques Réda, en rêveur qu’il a toujours été, a inventé en jouant son entreprise imaginaire, une saga digne de Dallas, tout en secouant la torpeur du XXe arrondissement de Paris, populaire certes mais sommeilleux. Par chance, le « Docteur Badanglé », philosophe-conseil de la rédaction, vient livrer sa vision de « l’instant-monde » et, accessoirement, des conseils sur l’univers… Entre fausses acrimonies, réflexions décalées et pur amusement, Jacques Réda a retrouvé le galopin qu’il était et nous rend aux heures légères où le plaisir seul a un peu d’importance. Il est l’auteur du livre arc-en-ciel le plus plaisant qui soit, une exception littéraire et un best-seller assuré dont il serait bien bête de se priver. Le sourire, la joie sont les denrées les plus rares qui soient, en particulier chez ces têtes de bois de lettrés.

Éric Dussert

Le Citadin
Jacques Réda
Fata Morgana, 588 pages, 25

Le galapiat du fanzine Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°243 , mai 2023.
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