Sous un titre qui annonce la couleur, Jérôme Richer promène un personnage à l’identité changeante à travers toutes les formes que prend la pauvreté dans un pays, la Suisse, dont la Constitution précise : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus pauvre de ses membres ». Il sera tour à tour Anton, Antoine, Antonio, Antonia, Antonella, Antoinette. Anton naît d’une relation sexuelle inconfortable dans une voiture à l’habitacle un peu pourri et déjà pour ses parents se pose la première question : comment s’en sortir avec un enfant ? Antonio subit les sarcasmes de ses condisciples au collège parce qu’il a des baskets trop nulles et qu’il ne sent pas bon. Sa mère est morte quand il avait 8 ans et son père rentre bourré tous les soirs mais comme dit l’un des collégiens : « Mais qu’est-ce que tu veux que ça nous foute ? » Antoine et son master d’archéologie préhistorique sont au chômage. Antoinette, retraitée à 600 francs, pense s’immoler par le feu devant la supérette Migros pour déclencher une révolution, comme Mohammed Bouazizi en Tunisie. Et ainsi de l’un à l’autre, à travers des petites scènes courtes, nous parcourons la vie des pauvres, des soucis quotidiens aux labyrinthes administratifs qu’il faut parcourir pour bénéficier des aides prévues par la loi. Pour finir, un jeu télévisé dans lequel il s’agit de lapider un pauvre : s’il s’en sort il devient millionnaire, sinon il meurt. « À l’issue de chaque émission, mort ou riche, il y aura un pauvre en moins. »
Entre ces petites scènes, les comédiens viennent eux-mêmes se questionner et questionner le public sur son rapport à la pauvreté. Comment vivre dans une société où le fossé entre les riches et les pauvres ne fait que s’agrandir ? C’est drôle, dynamique, efficace, c’est une commande de la Ligue suisse des droits de l’homme qui prouve que le théâtre a toujours un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de dénoncer l’injustice des situations sociales.
PGB
Si les pauvres n’existaient pas, faudrait les inventer
Jérôme Richer
Éditions espaces 34, 72 pages, 14,50 €
Théâtre Si les pauvres n’existaient pas, faudrait les inventer
novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Si les pauvres n’existaient pas, faudrait les inventer
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°238
, novembre 2022.