Qui est Vanloo ? Un bistrot d’Aix-en-Provence où le projet a mûri, rue du même nom, en hommage au peintre qui y séjourna. Philippe Hauer se marre : « Quelle arnaque ! Moi qui ne bois pas d’alcool. » Morale de l’histoire : « Éditeur est un métier de contrebande et de prestidigitateur ». Pas faux. Vanloo aime le mouvement, la surprise, l’audace.
C’est aussi le fil rouge que suit notre hôte, né en 1968, à l’esprit nomade. Après son Capes de lettres, il prend la tangente. Fréquente les petits théâtres aixois. Participe à l’aventure de L’Embobineuse, lieu iconique de la contre-culture marseillaise. Devient marionnettiste. Joue et écrit. « Il faut apprendre à faire les choses sans le faire exprès », dit ce parfait autodidacte, qui s’enthousiasme, dans le même élan, pour Giono et Anne Portugal, Chateaubriand et Hawaï police d’État, Tintin et Jean-François Sivadier. L’art du contre-pied. Comme le sont ses chroniques acidulées, 30 tours de stade. Le sport ? « Le monde comme il va m’emmerde. Donc j’ai besoin d’un fil d’actualité, et ce fil c’est le sport. » Ça sera l’un des premiers titres de Vanloo. Un ballon d’essai. Après quelques creux, la petite maison, couverte de ronds, a trouvé son rythme de croisière. Elle partage ses explorations en deux collections, « V2O » et « One-shot », héritière du chapbook anglo-saxon. Chez Vanloo, l’écriture n’est jamais triste.
Philippe Hauer, lorsque vous créez les éditions Vanloo en 2014, aviez-vous une vision du type de littérature que vous souhaitiez publier ?
Absolument pas. Je n’avais strictement aucune idée de ce qui s’écrit actuellement. C’était d’ailleurs ma motivation : ne plus entendre le discours « les jeunes ne savent plus écrire etc. » et aller chercher ce qu’ils écrivent vraiment. J’ai en tête Gombrowicz et Guibert. Et il me semble que tout est devenu de la littérature de genre ; je lis quelques polars encore, des sortes de séries télé écrites. C’est doux et rassurant. J’ai donc envie de retrouver « la littérature », avec un grand L. Mais la nouvelle. Et comme je sais que je n’irai pas en librairie pour chercher, je me trouve une motivation pratique, presque mercantile : l’édition. Bien sûr ça correspond à une vieille envie. Mais aucune idée des contenus, des formes, des écoles littéraires. Mes études de lettres ne m’ont donné aucun repère. Et vingt ans après, éditer, c’est faire une sorte de reset.
Vanloo privilégie des écritures décalées, vives, pleines d’étrangeté, drôles parfois par leur fausse naïveté. Pour vous, la page est un terrain de jeu ou un terrain d’action ?
Pour moi c’est très ambigu de parler d’écriture décalée, ou même d’étrangeté ! Je prends (j’essaie du moins) les textes pour ce qu’ils sont, et les comparer à d’autres textes me demande toujours un énorme effort. Le texte fonctionne par rapport à lui-même, ce qu’il crée n’est pas fonction de l’extériorité mais de son moteur intérieur. Si ce moteur est grippé, ou simplement une erreur, il ne...
Éditeur Un désir de langue
octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237
| par
Philippe Savary
Entrecroisant poésie et roman, les jeunes éditions Vanloo accueillent une littérature de recherche, riche d’énergie et de douces frictions.
Un éditeur