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Domaine étranger Théâtre à la cour

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Thierry Guinhut

Contemporain de Zola, Benito Pérez Galdós fustige la médiocrité de la société espagnole avec un sens de l’humour et de la satire.

Les Romans de l’interdit

Passablement méconnu en France, Benito Pérez Galdós (1843-1920) serait outre-Pyrénées digne d’être placé à la hauteur de Balzac, de Dickens, rien moins. Il n’est donc pas interdit de lire ses Romans de l’interdit, en fait un diptyque : Tormento & Madame Bringas, placé sous l’égide de deux personnages féminins.
Après un prologue dialogué dans lequel un écrivain livre ses trucs de romancier mélodramatiques au kilomètre, nous voici plongés dans l’épopée sociale de la famille Bingras. Elle aménage en 1867 dans les étages supérieurs du Palais-Royal de Madrid. Car l’entreprenant Don Francisco de Bringas est un fonctionnaire de la Couronne : « Il ne manquait à Bringas que le regard profond qui est tout ce qui est propre à l’esprit. Il lui manquait ce qui fait la différence entre un homme supérieur, qui sait faire l’Histoire et l’écrire, et l’homme commun qui est né pour réparer une serrure et clouer la moquette ». Doña Rosalía de Pipaón, son épouse au physique d’un Rubens, n’est guère plus épargnée, affligée qu’elle est de « folie nobiliaire ».
Le premier volet s’intéresse à la belle et pauvre domestique Amparo, alias Tormento. Corvéable à merci, brimée par la mégère Rosalía, elle attire l’attention d’Augustin Caballero, aussi riche que célibataire. L’on devine que la romance sera contrariée par quelque secret sur le point d’éclater, venu d’un prêtre à la vertu douteuse, Pedro Polo. Suspense, scandale et péripéties sont au rendez-vous. Quant à Caballero, il finira par fuir l’étouffante Espagne avec sa dulcinée devenue concubine : « Tu as voulu avoir pour épouse la vertu personnifiée : mensonge  ».
L’ascension sociale de Madame Bingras, apparemment triomphante lors du second volet, se verra stoppée par les convulsions politiques du temps, soit la révolution de 1868. À la pingrerie nécessaire de son époux, elle répond par une folie dépensière, vestimentaire et « les papiers de soie de son rêve évanoui ».
La brochette d’antihéros permet de fustiger la médiocrité omniprésente. Ce au moyen d’une narration et de monologues intérieurs qui servent à explorer la psyché des personnages, leurs fantasmes et leur vanité, bien plus que l’action : « Les muets sont en général très éloquents quand ils se parlent à eux-mêmes ». Le réalisme et l’ironie sont les ressorts constants de l’écrivain. Soutenus par une incessante acuité, ses portraits incroyablement vivants lui permettent de dénoncer le conformisme et « la falsification de l’être ». Au-delà des difficultés de traduction, l’écriture est allègre, l’humour est intact, n’hésitant pas à user de la parodie du registre épique pour les trivialités du quotidien. Même la tentative de suicide d’Amparo n’est pas épargnée par le comique. La comédie de mœurs accuse les traits psychologiques et sociaux.
Maître du roman historique (Les Épisodes nationaux) jouissant d’une grande popularité, dramaturge à succès avec Électre, fresquiste des tableaux opposant l’Espagne conservatrice et cléricale à celle libérale, Benito Pérez Galdós vit sa conception de l’écriture bouleversée par la lecture du naturalisme de Zola, au point de gagner en mordant, se consacrant à des thèmes récurrents, comme l’adultère et l’argent, non sans le piment de l’hypocrisie, mais aussi à l’influence des conditions socio-économiques sur les individus peu flattés par leur sort. Ainsi l’analyse piquante des classes moyennes madrilènes et la rivalité amoureuse féroce font de Fortunata et Jacinta son probable chef-d’œuvre. Sa fortune posthume est considérable, tant Federico García Lorca l’estimait, tant le cinéaste Luis Buñuel l’admirait, mettant en scène Tristana et Viridiana. « Le style c’est le mensonge. La vérité regarde en face et se tait », était son éthique littéraire.

Thierry Guinhut

Les Romans de l’interdit
Benito Pérez Galdós
Traduit de l’espagnol par Sadi Lakhdari et Pierre Guenoun
Le Cherche midi, 752 pages, 23

Théâtre à la cour Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
LMDA papier n°233
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