Fidèles à leur tropisme extrême-oriental, les éditions Picquier nous emmènent en Chine. Non celle, immense, continentale et communiste, mais celle de Taïwan où s’est installé Xang Guixing, né en 1956 à Sarawak, dans une autre île : Bornéo. C’est là qu’il installe la torride action de sa Traversée des sangliers. Si ces animaux mènent un combat récurrent contre les chasseurs, une invasion plus redoutable encore s’empare du village appelé « Le Bouk aux sangliers » : en 1941, l’armée japonaise déferle sur la côte pour faire main basse sur les indispensables réserves de pétrole. Quel est le héros qui saura défendre le territoire contre « la grande armée des Monstres », contre leur « flamme lubrique » ? Au-delà d’un paradis menacé par « les dangers et les laideurs de la jungle », l’enfer n’épargne même pas les enfants massacrés.
Roman historique et un brin ethnologique, le récit accumule l’opium, les sarbacanes, les balles et les baïonnettes, les morts violentes et les tragédies, sous « les antiques strates de la voûte céleste », comme une Iliade sans dieux. Il est traversé par une orpheline qu’un prêtre recueillit : Emily, dont la photographie est utilisée dans un tract de propagande par les Japonais. Vengeresse, « extravagante » et terrible, celle qui connaît les légendes et le chant des oiseaux apparaît comme l’allégorie ambiguë des forces de la vie et de la mort. Le réalisme cru et coloré, la touffeur et la richesse de l’écriture font de Bornéo un univers flamboyant, ensorcelant, alors que les destinées humaines peuvent y être grandioses et soudain minuscules, réduites à néant. Le souffle épique embrase le lecteur effaré.
Thierry Guinhut
La Traversée des sangliers
Xang Guixing
Traduit du chinois par Pierre-Mong Lim
Picquier, 600 pages, 23 €
Domaine étranger La Traversée des sangliers
février 2022 | Le Matricule des Anges n°230
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°230
, février 2022.