Musique et poésie sont synonymes d’engagement. Par le corps et par l’esprit, elles exigent un investissement total. Gabriele Santoro est un maestro engagé, qui déclame chaque jour des poèmes de Cavafis, en écoutant Schubert. Ce sont des rituels quotidiens dans sa vie de reclus rythmée par les allers et retours entre l’université et son appartement à Forcella, un quartier malfamé de Naples. Depuis sa fenêtre, il observe le ballet silencieux des mafieux de la Comorra. Mais contrairement à l’intrigue de Fenêtre sur cour, le crime à venir ne se passe pas à l’extérieur mais dans son appartement. Il prend la figure angélique d’un enfant, Ciro, qui habite dans l’immeuble et trouve refuge chez lui. L’enfant, énigmatique et silencieux, va le décentrer : l’amour est entré dans la vie de Gabriele. Il va ouvrir ses bras à cette paternité dangereuse, comme s’il avait toujours été prêt, que musique comme poésie « ces déesses qui avaient jusque-là présidé à sa vie d’homme solitaire avaient été balayées cédant la place à un dieu-enfant ».
Roberto Andò, auteur et réalisateur, écrit comme il filme, son récit glisse et coulisse de fenêtre en cour, et les regards sont autant de mouvements de caméra, tenant à bout de bras ce personnage de Gabriele « dans la tentative désespérée de sauver un enfant d’un meurtre que les autres considéraient comme inéluctable ». Peut-il empêcher « l’ouvrage des dieux » ? Roberto Andò dresse ici le portrait de Naples vouée au crime, et Ciro et Gabriele en figures lumineuses, libres et résistantes. L’Enfant caché doit sortir sur les écrans en 2021.
Virginie Mailles Viard
L’Enfant caché
Roberto Andò
Traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont
Liana Levi, 200 pages, 18 €
Domaine étranger L' Enfant caché
mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°223
, mai 2021.