L' Esprit de Paris
Bibliographe pour un grand libraire de livres anciens et bibliothécaire, Barbara Pascarel se meut dans le milieu du livre avec beaucoup d’aisance. Curieuse de nature et agissante de tempérament, elle milite depuis plus de vingt ans pour la connaissance de Léon-Paul Fargue, qui sera pour longtemps encore le plus parisien des écrivains. Elle est en particulier la cofondatrice de la Société des amis de L.-P. Fargue et de son bulletin Ludions qui paraît depuis 1996. Son érudition farguienne la place aujourd’hui à la tête du projet d’œuvres complètes du « Piéton de Paris », une somme colossale et pleine de surprises dont paraît le premier volume réunissant les « Chroniques » consacrées aux arpentages parisiens. Interro orale.
Qui était Léon-Paul Fargue ?
Un poète exigeant et un chroniqueur prolixe, un solitaire mélancolique et un joyeux convive, bref un personnage complexe. Il est né en 1876 rue Coquillière d’une mère couturière et d’un père ingénieur céramiste. Lycéen doué et paresseux – qu’il resta un peu toute sa vie –, familier du salon de Mallarmé, des cabarets de Montmartre et des petites revues fin de siècle, Fargue écrit d’abord des poèmes et des critiques d’art. Jusqu’à la fin des années 1920, il publie, chez Gallimard, de rares plaquettes de poésie saluées par ses pairs. Il est aussi un personnage au verbe étincelant dont la compagnie est recherchée, de la librairie d’Adrienne Monnier au Bœuf sur le Toit, des dîners mondains aux caboulots de la Chapelle. Il vit alors chez sa mère, dans la fabrique de céramique et d’émaux du Faubourg Saint-Martin dont il a hérité de son père et qui lui rapporte quelque argent jusqu’aux années 1930. C’est alors qu’il se met au journalisme, tout en poursuivant une œuvre personnelle (Haute solitude en 1941, Méandres en 1946) et vit à l’hôtel puis, en 1939 s’installe chez sa femme Chériane. Pendant la guerre, il écrit pour les journaux autorisés par la censure. Après l’accident vasculaire qui le condamne à l’immobilité en 1943, il continue à recevoir ses amis et à dicter chroniques et souvenirs jusqu’à sa mort en 1947.
Quels écrits avez-vous réunis dans ce premier volume des Œuvres complètes ?
Je suis partie du Piéton de Paris, œuvre emblématique de Fargue qu’il fallait rééditer en la situant dans son temps et comme faisant partie du vaste ensemble de ses chroniques parisiennes. Pour cela, j’ai réuni des textes éparpillés dans les journaux et dans des recueils comme Refuges, Déjeuners de Soleil ou Dîners de Lune, publiés dans les années 1940-1950 sans véritable cohérence ni appareil critique. Avec les éditions du Sandre, nous avons décidé de publier dans l’ordre chronologique de parution dans la presse toutes les chroniques parisiennes, y compris celles qui n’avaient pas été reprises en volume, et d’y ajouter les textes parus en plaquettes ou en livres illustrés sur des sujets analogues, comme Music-Hall, Poisons, Charme de Paris, etc. Le projet est de donner à lire les...