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Poésie Une écriture en apnée

octobre 2020 | Le Matricule des Anges n°217 | par Richard Blin

Poète de l’insaisissable, Christian Hubin décline, entre silence et stupeur, les vertiges d’un insondable étonnement.

Errante, intermittente, en proie à l’in-signifiant autant qu’à l’impossible à dire, la parole de Christian Hubin. À l’écoute aussi de ce qu’elle ne dit pas, mais qui la hante. Une parole particulièrement laconique, tout en intuition et rétractation, ouverte aux tropismes d’une réalité qui échappe aux sens, apparaît sans substance et comme déjà en train de disparaître dans l’instant de son apparition. Dépassant toutes les antinomies, elle est, cette parole, pur accueil de signes épars, d’indices furtifs, de contractions d’espace et de temps traversées de frissons d’avant-monde ou d’échos d’avant aucun son. Non pas de l’étant mais de l’inconsistant, du rétractile, des amorces de mouvements sans intentionnalité ni finalité. « Rognure qui se retire, qui ne se reconnaît nulle part – fouillant la neige, son presque fœtal. Commentant cette stupeur, ce questionnement inadéquat. Quelqu’un entre lui et l’encre – fonds d’elle, de logos : toutes les gammes du cogito, toutes les strettes de l’impensable – éclats d’ongles, de tabula. »
Là où quelque chose et rien s’interpénètrent, c’est-à-dire aux limites du saisissable, du perceptible, du mesurable, elle prend naissance, cette parole, tâche de dire cette réalité que les mots ne pénètrent pas. « Quelque chose sans être qui creuse, tombe sans entendre. » Du sans-nom, du sans-visage qui sont donnés comme tels, présentés pour ce qu’ils sont, dans leur insaisissabilité. « De – qu’on croit saisir – altéré, presque indistinct. Ses intersections sans matière. »
Tendue d’imminence, traversée d’infini qui sommeille, mais toujours scrupuleuse et éminemment loyale à l’endroit de ce qui advient, elle témoigne, de ce qui fait vibrer l’en deçà du visible, l’insu, l’envers de ce qui est. Et ce, à revers de l’ordre institué des perceptions connues, depuis un hors de soi, un pur dehors, un « in-temps » d’avant toute pensée, tout sujet, un lieu sans lieu, se formant, se déformant selon l’in-finitude fluante des moments de suspens entre l’« il y a » et l’ « il n’y a pas ».
Lire Christian Hubin c’est se déshabituer de la manie de comprendre, c’est se laisser séduire par de l’arcane en coagulation, de l’insubstantiel à l’état naissant, des lapsus muets, des implosions d’intact, des modulations d’immobile. En donnant prégnance au caractère ondoyant des choses, il porte notre attention sur une autre façon d’habiter le monde, d’appréhender le réel, par interstices, rémanences, rythmique du plein et du vide.
D’où l’effet d’étrangement, et de dépaysement de la pensée, d’un dire qui se mesure au non-répertoriable, au sans bord, à ce qui nous défie en existant sans exister. « On ne peut savoir ce qu’écrire perçoit vraiment, ce qui y crisse – double, rétractile. » Il y a du coup de force dans ce geste poétique qui ne cesse d’interroger le réel, « entre ce qui s’en saisit et ce qu’on en conçoit. / Entre scarifications / et sutures votives. » Qui ne cesse d’être attentif aux vacillements de virtualités qui errent, au destin affleurant de l’invisible, à ces bribes d’infini qui ouvrent à l’insondable profondeur des possibles.
Cette écriture en apnée, qui procède par concrétion d’inexprimé, apparaît souvent comme suspendue entre deux néants ou comme écartelée entre césure et continuum. Relevant d’une stupeur stylée et d’une sorte d’irradiation qui s’obstine, elle s’avance nue, sans preuve, mais portée par la justesse, au sens musical, de ce qui est une espèce d’insubordination face à du rien qui jubile. Du rien, c’est-à-dire tout, en semence et promesse, émergence et disparition. Une poésie d’essence rimbaldienne, qui consigne des silences, note l’inexprimable, fixe des vertiges.

Richard Blin

L’in-temps, de Christian Hubin
L’Étoile des limites, 80 pages, 14

Une écriture en apnée Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°217 , octobre 2020.
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