La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Tout est bagarre

septembre 2019 | Le Matricule des Anges n°206 | par Camille Cloarec

Le nouveau roman de Benjamin Markovits analyse avec acuité les rapports à l’œuvre au sein d’une famille. D’une lucidité grinçante.

Week-end à New York se déroule à Manhattan, où vivent Paul Essinger, Dana et leur jeune fils Cal, les jours précédant l’ouverture de l’US Open. À 30 ans largement passés, classé 82e joueur mondial, Paul est une « star mineure du tennis américain, beau garçon, présentant bien, crédité de deux années d’étude à Stanford et avec une séduisante compagne bénéficiant de relations dans les médias » qui n’a absolument aucune chance dans la compétition qui s’annonce. Cependant, comme chaque fois qu’il est qualifié, toute la famille Essinger se réunit à ses côtés. Ses parents Bill et Lisel, qui enseignent à l’Université d’Austin, débarquent en premier. Leur union a tout de l’histoire d’amour impossible, Bill étant issue d’une famille de culture juive et Lisel ayant grandi en Allemagne nazie. Fiers de leur premier fils, Nathan, professeur de droit à Harvard, qui écrase la tribu par sa stature et son parcours exemplaires (« les Essinger avaient atteint le stade d’évolution familiale où l’aîné des enfants commence à prendre des initiatives »), ils se font du souci pour Susie, qui a mis sa carrière entre parenthèses afin d’élever ses enfants et est à nouveau enceinte sans que cela ne réjouisse grand monde. Quant à Jean, la petite dernière expatriée à Londres où elle réalise des documentaires télévisés, ils ignorent qu’elle a entamé une liaison avec un homme marié et âgé.
Si les Essinger forment une famille soudée et ouverte sur le monde, ils peuvent cependant s’avérer difficiles à supporter une fois au complet. Des débats houleux enveniment trop souvent leurs retrouvailles, « comme les voiles d’un bateau qu’on est en train de gréer. Un certain type de violence qu’il faut apprendre à ignorer ». Pour Dana, qui subit régulièrement les prises de position intempestives de Bill, l’indifférence doublée d’effroi qu’inspirent à Lisel ses petits-enfants et la colère explosive de Nathan, ces moments sont douloureux. Car les Essinger ont développé au fil des années un culte de la réussite sociale qui les rend sourds à l’échec. Aveugles à la tentative de Paul de « réaliser de façon digne, et peut-être même lucrative, la transition de joueur de tennis à ancien joueur de tennis », à la carrière avortée de Dana, ex-mannequin et photographe sans ambition, ils piétinent les choix de chacun d’entre eux sans tact ni demi-mesure.
De fait, si Week-end à New York est un roman qui dissèque avec finesse les liens familiaux, il livre également une réflexion sur ce que sont le succès et la défaite, leurs définitions et leurs implications. L’injonction d’une carrière superbe et sérieuse, le modèle du couple à l’harmonie parfaite doté d’un ou deux enfants, les exigences matérielles qui s’ensuivent sont autant de pré-requis sociaux étouffants, qui nourrissent les attentes de Bill et de Lisel de manière formatée et systématique. Pas un seul enfant Essinger ne semble y avoir échappé. Tandis que les frustrations explosent et que les egos s’affirment, le récit s’attarde sur la superficialité propre à la vie urbaine et à ses mondanités, lesquelles finissent par régir les choix de vie de chacun. Paul réalise ainsi que « ses décisions importantes, il les avait prises à un niveau de maturité affective équivalent à celui qu’on a dans un grand magasin, quand on se regarde dans le miroir de la cabine d’essayage avant d’acheter une chemise ».
Les personnages de Benjamin Markovits s’affrontent, se perdent puis se rejoignent selon une chorégraphie dissolue, qui reflète à elle seule les tensions opposant aspirations et obligations. La famille apparaît tout à la fois comme l’antidote et le poison à ces vies modernes, « protége(ant) de ces choses abominables, même si sans doute ce n’était pas la bonne façon d’y réfléchir. Face à la vie de famille, le reste de comptait pas ».
Camille Cloarec

Week-end à New York, de Benjamin
Markovits
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Kiefé, Christian Bourgois, 400 pages, 23

Tout est bagarre Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°206 , septembre 2019.
LMDA papier n°206
6,50 
LMDA PDF n°206
4,00