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Poésie L’éclat et la pudeur

février 2019 | Le Matricule des Anges n°200 | par Richard Blin

Vigile virgilien, Pierre-Albert Jourdan aimait le buissonnier, l’inutile et la méditation. Une poétique de l’humilité qu’Yves Leclair nous aide à redécouvrir.

Pierre-Albert Jourdan : écrire comme on tire à l’arc

À la question « Pourquoi écrivez-vous ? » Pierre-Albert Jourdan (1924-1981) répondait avec superbe et humilité : « Pour me redresser un peu. » Aussi discret que les livres qu’il publia de son vivant, il eut pour ami René Char, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Henri Michaux, Paul de Roux, Roger Munier, créa une revue, Port-des-Singes (du nom de « la petite maison provisoire » dans Le Mont Analogue, de René Daumal) et pratiqua toute sa vie la peinture et l’écriture. S’il publia peu, il écrivit beaucoup, laissant une œuvre riche et lumineuse qu’Yves Leclair rassembla en deux tomes aux éditions du Mercure de France : Les Sandales de paille (préface d’Y. Bonnefoy, 1987) qui réunit fragments et journaux, et Le Bonjour et l’Adieu (préface de P. Jaccottet, 1991) où sont recueillis ses poèmes et ses proses poétiques. Aujourd’hui, pour attirer l’attention sur la parole d’un homme qui n’aura cessé de se rendre poreux à la beauté des choses, et dont l’œuvre est pénétrée par l’infini de tous les instants qu’elle évoque, Yves Leclair nous offre un volume d’essais et d’entretiens qui retraversent l’œuvre tout en la méditant.
Si la nécessité de gagner sa vie l’obligea à séjourner la majeure partie de l’année au sein de l’univers anonyme du béton et du bitume parisien, c’est sa maison et son jardin de Caromb, au pied du mont Ventoux, qui fut le pôle de sa vie, « l’épicentre de son éveil poétique », le lieu magique où il retrouvait la source, le sens et l’essence de la vie. Écrivain du bref, homme de plein vent, Pierre-Albert Jourdan – dont les maîtres à vivre étaient deux ermites clochards qui vécurent sous la dynastie Tang – cherchait la simplicité, rêvait de se confondre corps et âme avec le plus humble, le plus pauvre, l’invisible qui gît dans « l’angle mort ».
Nos vérités secrètes, notre intérieur, se révèlent dans la nature, au plus près des choses, au ras de l’herbe, qui leur donnent un visage, leur procurent un extérieur. Au jardin se déploie tout ce qui permet de lutter contre une forme d’existence aveugle et décentrée. Les écrits de Pierre-Albert Jourdan, sa poésie, ne sont qu’une suite d’approches et de saisies de moments improbables et nus. Ils sont la trace de son appétence absolue pour la vraie vie et témoignent d’une quête poétique inquiète, insatisfaite. D’où tous ces fragments, cette « écriture en haillons », ces notations-éclairs, ces lambeaux poétiques qui, dans leur « savant désarroi qui nettoie, éclaire et délivre », retiennent les paillettes d’or de la vraie vie.
Sur tout ce qui existe, Jourdan projette la venue d’un « bonjour » et l’imminence d’un « adieu », perçoit, dans un même moment, la saveur de l’éphémère et le vertige de la finitude. Le regard tourné vers ce qui le regarde, c’est la beauté qu’il salue, c’est la sensation d’une secrète communion avec l’Un qu’il glorifie. « Il suffit de peu pour se sentir obligé de remercier. » Car pour Jourdan, l’écriture est aussi une voie spirituelle, la quête des éclats paradoxaux d’une présence.
« Perpétuel repriseur », Pierre-Albert Jourdan ne cessait de réécrire, de « polir à l’infini », de refondre, cherchant toujours plus de nudité poétique. À travers l’épreuve et l’ascèse du fragment – son incomplétude, sa façon de couper court – c’est la mise à nu de petites résurrections quotidiennes qu’il poursuivait. Pour les transmuer en « or de vivre », en authentique joie de vivre. Une sorte de métaphysique concrète où le moi s’efface pour laisser place à « la langue des fumées » – titre de son premier livre –, et au mystère profond des jours.

Richard Blin

Pierre-Albert Jourdan : écrire comme on tire à l’arc, d’Yves Leclair
L’Étoile des limites, 160 pages, 17

L’éclat et la pudeur Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°200 , février 2019.
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