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Domaine étranger La croix et les bannières

janvier 2019 | Le Matricule des Anges n°199 | par Dominique Aussenac

Réédition du roman-fleuve du Catalan Joan Sales sur la guerre d’Espagne, aux visions tourmentées et aux interrogations métaphysiques.

L’histoire de l’élaboration de certaines œuvres pourrait tenir lieu de véritable roman. Tel est le cas de Gloire incertaine, titre emprunté à William Shakespeare. Véritable palimpseste écrit et réécrit depuis sa première parution en 1953 à la mort de son auteur, qui se jouera sans relâche de la censure franquiste. Au total, dix versions différentes du premier roman évoquant la guerre d’Espagne, écrit en catalan par un de ses protagonistes engagé du côté des vaincus. Mais dont la finalité – « Témoigner la vérité contre le mensonge noir et le mensonge rouge » –, en condamnant les exactions et errements de son propre camp, n’aura de cesse d’illustrer l’ineptie, la folie, la fureur de cette guerre fratricide, de questionner les notions d’engagement, de bien et de mal, mettant l’accent sur les déchirements idéologiques et le tumulte des passions.
Écrivain, poète, Joan Sales est né en 1912 à Barcelone dans une famille qui cheminera du traditionalisme au catalanisme. À la fois catholique et républicain, ce qui en cette période fort troublée constitue un paradoxe et un conflit moral, le jeune licencié en droit s’engage auprès de la Généralité de Catalogne, instaurée en 1931 dans le sillage de la Seconde République espagnole. Lorsque la guerre civile éclate, il devient officier, combat sur les fronts de Madrid et d’Aragon, avant de connaître l’exil en France et au Mexique. Il retrouvera sa terre en 1948, après que Franco a relégalisé la pratique du catalan. Il continuera à résister, en devenant éditeur de littérature catalane, publiera entre autres Mercè Rodoreda et traduira Dostoïevski. Ce dernier habite dans Gloire incertaine le personnage de Juli Soleras, dandy assoiffé d’absolu, à la fois âme damnée et perdant magnifique, être complexe d’une extrême lucidité, péremptoire et cynique qui passera du camp des républicains à celui des fascistes, pour enfin périr sous la bannière du Front populaire. Au chaos de la guerre, de ses très diverses factions – nationalistes, anarchistes, communistes, trotskystes –, Sales rajoute le chaos des sentiments, désir, jalousie, trahisons…
Si la grande partie du récit se déroule sur un front mort où les soldats attendent l’ennemi à la manière du Désert des Tartares, comblant leur ennui en beuveries, liaisons amoureuses ou interminables conversations philosophiques, il est aussi fait d’allers et retours entre vies passées, présent et après-guerre, le front, sa ruralité et Barcelone. L’ouvrage polyphonique est composé de quatre parties dans lesquelles les protagonistes évoquent les mêmes sujets sous des angles différents. Dans la première, un journal, Lluis de Brocà, jeune avocat engagé décrit son quotidien. Il rencontre une châtelaine, étrange veuve, se dressant, spectre fantastique au milieu de moines assassinés par des anarchistes. La deuxième regroupe la correspondance entre Trini sa compagne, restée à Barcelone avec leur enfant et Juli Soleras qui tente de la séduire en trahissant Lluis. « Tu aimes te promener au bord des précipices, et moi, ça me donne le tournis ! Tout m’a paru inutile depuis ce jour, étudier les mollusques du carbonifère ou mettre les enfants au monde, dès lors que le monde n’avait et ne pouvait avoir aucun sens. » La troisième rapporte les mémoires de Cruells, jeune séminariste à qui les soldats confient doutes et tourments. La dernière partie, publiée dans un premier temps de manière autonome sous le titre « Le vent de la nuit » dépeint sous forme crépusculaire les combats, défaites et exodes erratiques. 
Écrit dans une langue simple au réalisme incandescent, tantôt trivial, tantôt lyrique, irradié par un pessimisme kierkegaardien et le personnalisme d’un Emmanuel Mounier, Gloire incertaine qui doute de l’homme sans renier Dieu, s’avère être une œuvre grandiose ourlée d’inquiétude, sacrément urticante.

Dominique Aussenac

Gloire incertaine
Joan Sales
Traduit du catalan par Marie Bohigas et Bernard Lesfargues,
Jacqueline Chambon, 528 pages, 23,80

La croix et les bannières Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°199 , janvier 2019.
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