Théo, un enfant de 7 ans, a disparu. Son père, lieutenant de police, n’a pas perdu tout espoir de le retrouver vivant. Sa mère, elle, essaie de se reconstruire malgré la douleur, consent à s’inventer de nouveaux désirs. Une lettre anonyme lance le père sur une piste inespérée : dans un asile pour enfants et adolescents à problèmes, l’un d’eux pourra peut-être lui fournir quelques indices. Mais dans cet asile règne un psychiatre, diabolique ou démiurge, on ne sait. Et l’enlèvement de l’enfant semble se rattacher mystérieusement à un événement troublant qui avait agité auparavant cette bourgade tranquille : on avait, un matin, retrouvé tous les animaux d’un cirque « décimés à la hache »…
On ne s’étonne guère, après avoir lu en particulier les essais biographiques que Gilles Sebhan a consacrés à Genet et à Tony Duvert, de retrouver ici des thèmes et des questionnements proches, habilement tissés dans une intrigue policière efficace. Qu’est-ce qui fait la fragilité et la force à la fois de l’enfance ? Qu’est-ce que les adultes, et les parents plus encore, peuvent comprendre, deviner, soupçonner de ceux qu’ils doivent élever  ? Comment leur révolte, discrète ou plus affirmée, et leur sensualité, délicate ou sauvage, viennent-elles parfois lézarder le conformisme des adultes, ce que ceux-ci pensent être une protection suffisante contre l’inattendu ? C’est peut-être à la catégorie, autrefois prônée par Breton et les surréalistes, du bouleversant, qu’il faudrait rattacher ces pages. Bouleversante, cette scène où la mère, dans la classe de son fils, doit s’asseoir à sa place, désormais vide. Bouleversantes, les découvertes que fera, tout au long de sa quête-enquête, l’inspecteur Dapper, le père à la recherche du fils disparu et peut-être aussi de sa propre enfance perdue, niée. Bouleversant, surtout, le personnage d’Ilyas, innocent et pervers à la fois, prophète hanté et solitaire, messie forcené, hors du sens mais terriblement humain, « celui qui portait l’énigme ». Thierry Cecille

Cirque mort, de Gilles Sebhan, Le Rouergue, 148 pages, 17,50 €