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Traduction Barbora Faure

mars 2017 | Le Matricule des Anges n°181

Comment j’ai rencontré les poissons, de Ota Pavel

Comment j’ai rencontré les poissons

Lorsqu’Olivier Desmettre m’a proposé de traduire les nouvelles d’Ota Pavel, j’étais un peu perplexe : un chroniqueur sportif ? que pourrais-je bien trouver d’intéressant chez lui, moi qui ne connais rien au sport ? Je n’avais jamais entendu parler, ignorante que j’étais, des nouvelles qui ont finalement servi à composer Comment j’ai rencontré les poissons ni encore vu le film La Mort des beaux chevreuils tiré de la nouvelle éponyme. J’avais beau avoir jadis traduit quelques ouvrages de vulgarisation sur les milieux aquatiques, le monde de la pêche en eau douce comme en mer m’était tout à fait étranger.
« Soit, élargissons nos horizons », me suis-je dit et je ne l’ai pas regretté. J’ai rencontré un auteur sensible et plein d’humour : la pêche et les poissons qui servent d’arrière-plan à ses récits autobiographiques ne sont pas ici l’essentiel. Ce qui importe dans ce recueil, c’est le tissu des relations humaines, l’atmosphère et le milieu social dans lequel baignent les protagonistes, et surtout le portrait qu’Ota Pavel fait de lui-même et de sa famille, tout en délicatesse, teintée d’une ironie légère. L’ironie se fait de plus en plus grinçante à mesure que passent les années et que le narrateur perçoit avec plus d’acuité le monde qui l’entoure : à l’insouciance d’avant-guerre succèdent les années noires de l’occupation allemande, puis, dans une Tchécoslovaquie transformée en « démocratie populaire », le déclin matériel de la famille parentale.
Premier écueil à franchir : Olivier m’a laissé le libre choix des textes ainsi que leur agencement dans le livre. Mais comment faire ? Choisir, c’est aussi exclure. Le nombre de nouvelles disponibles dépassait largement le calibrage prévu, toutes avaient leur intérêt, et leur ordre était variable dans les différents recueils disponibles. Certaines se déroulaient en Tchécoslovaquie, d’autres emmenaient le lecteur en quête de lacs américains, de mers lointaines et de pêches plus ou moins cruelles (notamment une pêche à la grenade, particulièrement révoltante pour l’auteur, à bord d’un sous-marin au large de la Suède) et plus ou moins chimériques. Il a donc fallu trancher dans le vif. Après bien des hésitations, j’ai décidé d’orienter l’ouvrage vers l’histoire de la famille Pavel en Bohême, en éliminant de ce fait un certain nombre de textes « périphériques ». Bien entendu, on perdait en richesse, l’expérience internationale de l’auteur était réduite aux dimensions de la petite Tchécoslovaquie, mais on gagnait en cohérence sans perdre ce qui constitue l’âme des récits.
Ce choix en entraînait un autre, bouleversant quelque peu l’agencement des nouvelles dans les recueils d’origine : celui d’une progression chronologique, depuis la petite enfance de l’auteur, lorsque, avant la guerre, la famille s’appelle encore Popper, jusqu’au décès de son père, un géant aux pieds d’argile, haut en couleur, coureur, buveur, entrepreneur naïf et incompétent, puis jusqu’à l’épilogue dramatique où l’auteur perd tout contrôle et finit par se trouver enfermé en hôpital psychiatrique.
Comment j’ai rencontré les poissons n’est pas un manuel de pêche ; cependant les étangs, les ruisseaux, les rivières, les poissons et tout ce qui se rapporte à leur capture y tiennent une place de choix. D’où la deuxième difficulté pour la citadine que je suis : problèmes de nomenclature ichtyologique, assez facilement vaincus à l’ère de l’internet et des dictionnaires en ligne, problèmes d’équipement, plus difficiles ceux-là, car le matériel et les techniques de pêche varient d’un pays à l’autre et surtout d’une époque à l’autre : ce qui se pratiquait couramment au milieu du siècle dernier n’est plus vraiment d’actualité à notre époque. Mais les difficultés de lexique sont le lot de tout traducteur et ne sont généralement pas les plus ardues. Cela relève de ce qu’on pourrait nommer, sans être péjoratif, la « cuisine » de la traduction.
Restait la part la plus complexe. Traduire, c’est pour moi entrer en harmonie avec l’auteur, pénétrer sa sensibilité, lire entre les lignes le sens caché, et parvenir à en transposer le maximum dans la langue d’arrivée. Entrer en sympathie comme on le dit de la corde d’un instrument de musique qui vibre par résonance. Être infiniment humble devant le texte original tout en prenant des risques : là encore, il s’agit de faire des choix, d’interpréter parfois, lorsque l’ambiguïté de l’original ne peut être conservée. Un de mes professeurs de traduction à qui je dois beaucoup, Marc-André Béra, disait qu’il ne fallait pas hésiter à bousculer l’agencement du texte pour lui redonner, dans la langue cible, sa justesse. On ose rarement aller jusque-là, cependant il ne faut jamais oublier que traduire n’est pas une activité automatique – les exemples hilarants de traduction sur l’internet le prouvent. Un mot en tchèque n’a pas toujours son équivalent en français et là, le traducteur, tout transparent qu’il est, doit s’impliquer et faire des choix qui l’engagent. Les nouvelles d’Ota Pavel sont écrites dans une langue souvent limpide, directe et authentique. J’ai donc travaillé à conserver cette facilité apparente, une langue simple mais jamais simpliste, qui certes décrit, mais aussi suggère sans jamais s’appesantir. Ota Pavel est vraiment un auteur qui exprime la mentalité tchèque dans le droit fil du Brave soldat Chvéïk, et ces mois passés en sa compagnie ont été pour moi un bonheur sans mélange.

Barbora Faure a traduit, entre autres, Jan Trefulka, Vaclav Havel et Jana Cerná. Comment j’ai rencontré les poissons est publié aux Éditions do.

Barbora Faure
Le Matricule des Anges n°181 , mars 2017.
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