Nous sommes de plus en plus nombreux, et c’est heureux, à tenir Fabienne Swiatly en très haute estime. La qualité première des beaux livres que sont Gagner sa vie, Boire, Unité de vie, c’est une sincérité dans la voix. Une authenticité que l’on retrouve dans Du côté des hommes. Il s’agit d’éclats autobiographiques, de fragments de vie, dont les hommes sont en quelque sorte les prismes. Autant d’échos d’une quête de soi portés par une bande-son. Chaque texte se place en effet sous le signe d’une chanson, de Polnareff à Bowie en passant par Rita Mitsouko, NTM ou Serge Reggiani. « La musique a autant accompagné ma vie que les livres », confie Swiatly. Ce livre est pour ainsi dire comme un juke-box. À chaque pièce introduite dans cette machine qu’est la mémoire, un morceau s’enclenche. N’allez pas croire qu’il serait question essentiellement des hommes de sa vie, non ; ce sont plutôt des vies d’hommes, amis ou amants, figures familières ou furtives rencontres d’un soir, des vies d’hommes, donc, qui à un moment donné se sont mêlées à la sienne. Des voix, des silhouettes qui, d’une façon ou d’une autre, pour le pire ou le meilleur, l’ont marquée. La mémoire convoque aussi bien des souvenirs au plus loin de l’enfance meurtrie que dans un présent qui paraît encore très proche. Il y a des plaisirs volés, des moments d’accord parfait, des blessures dévoilées ou entraperçues aussi, en tout cas peu de censures quand même on entre dans son intimité. Pour dire cette vie de femme au plus près des hommes, l’écriture se fait presque notations, comme si Fabienne Swiatly voulait restituer ces scènes de façon brute. Non sans rappeler la manière de faire d’une Annie Ernaux, elle parle d’elle sans apprêt ni fausse pudeur. Elle est comme elle est, ici forte, là fragile, insaisissable ailleurs. Elle ne veut rien expliquer ou justifier, elle cherche seulement à exprimer, toujours à la recherche du mot juste, du regard juste.
Anthony Dufraisse
DU CÔTÉ DES HOMMES
DE FABIENNE SWIATLY
La Fosse aux ours, 122 pages, 16 e
Domaine français Du côté des hommes
février 2016 | Le Matricule des Anges n°170
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°170
, février 2016.