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Domaine français Réalités perdues

octobre 2013 | Le Matricule des Anges n°147 | par Richard Blin

Roman d’apprentissage autant qu’éducation sentimentale, le nouveau livre de Frédérick Tristan est aussi un voyage aux sources de son œuvre.

Écrivain prolifique – il a publié une soixantaine de livres dont Le Dieu des mouches (1959), La Cendre et la Foudre (1982), Les Égarés (prix Goncourt 1983), Stéphanie Phanistée (1997) –, Frédérick Tristan, à 80 ans passés – il est né en 1931 – s’est inspiré d’un roman commencé à l’âge de 15 ans pour écrire non pas le roman de sa vie, mais l’autobiographie fictive de ses trente premières années. Une biographie rêvée qui est une manière de fictionner non le moi mais l’acte même d’écrire sur soi, à rebours donc du narcissisme nombrilique si prisé par certains. Et c’est tout l’intérêt de ce livre où réel et imaginaire, expériences vécues et situations inventées alternent et conjuguent leurs apports, développant un récit en constante interaction avec l’imprévisible.
Ce qui est ici mis en avant, à travers les années d’apprentissage du jeune Paul, le héros, c’est le vivant, non le vécu : l’enfance solitaire, les études, le premier amour, « ce petit rien qui est un grand tout », la découverte des mille et un visages de la femme, la double face de l’argent, les sources de l’écriture. Mais c’est surtout la confirmation d’un sentiment précoce, né de la fréquentation, très jeune, d’un petit cinéma de campagne où un vieux monsieur projetait d’anciens films en noir et blanc choisis un peu au hasard dans le fonds d’une cinémathèque de Lyon. « Il me semblait comprendre que l’existence était semblable à un film, et que nous n’étions que des silhouettes s’agitant et bégayant sur le plateau d’un théâtre d’illusions. » Et de fait, de coup de théâtre en coup de théâtre, de dédoublement en renversement tout va se révéler n’être que masques et apparences, leurre et jeux de cache-cache. Ce que découvre Paul à travers les tribulations de son entrée dans la société, c’est que derrière chaque façade se joue un autre théâtre. Sa mère n’est pas sa mère, son père mène une double vie, ses amis ont un envers que l’endroit ne pouvait laisser deviner et son identité même n’est pas la bonne. Ce qui, finalement, est une aubaine pour un Paul qui veut devenir écrivain, dévore Breton, Artaud, Joyce, Borges, succombe aux avances d’une comédienne qui interprète le rôle de Phèdre à la Comédie Française, une « déesse » inaccessible qui l’entraîne dans une nuit de débauche – « mélange d’onanisme, d’exhibitionnisme et de sadisme » – au terme de laquelle, renversement ô combien symbolique, il ne peut que constater que Phèdre n’était pas l’héroïne de l’amour qu’il avait cru, mais « une insigne prêtresse de la mort ». Une expérience qui l’amènera à comprendre aussi que le texte est un corps. « Pour le posséder, il faut le travailler, le faire jouir et aussi le maltraiter ». « Corps d’absence et qui parle » comme parlaient les textes de Danielle, une sorte de sœur de Rimbaud, dont Paul s’est épris mais que l’abus de drogue a mené à la folie. Des textes qu’il fera porter sur scène et qui sont un clin d’œil à l’un des modes d’écriture favori de Frédérick Tristan – l’hétéronymie – qui lui fit publier le Journal et l’Œuvre de Danielle Sarréra, le premier et le plus connu de ses hétéronymes. Sous couvert donc d’innocence narrative et de réalisme roublard – celui des romans à succès –, c’est la sempiternelle question de l’ambiguïté du réel et de toutes les formes de viol qu’illustre ce roman.
Considéré comme le chef de file de la Nouvelle Fiction, Tristan écrit pour nous aider à démasquer la fiction inavouée de notre représentation du réel. Dans tous les domaines – de l’idéologie à la mode en passant par les langues et les médias – on nous raconte des histoires. Alors, il mystifie pour démystifier. « Tout récit même le plus sincère, le plus minutieux, voire le plus réaliste transforme l’être humain en une marionnette de fiction. » Puisque tout n’est que théâtre, l’art du récit consiste donc à se jouer du réel en le retournant comme un gant pour en faire un autre réel.

Richard Blin

Les impostures du réel de Frédérick Tristan
Le Passeur, 480 pages, 22

Réalités perdues Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°147 , octobre 2013.
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