Les éditions Asphalte sont hébergées à Belleville dans les locaux de Fontaine O livres, une pépinière d’entreprises qui soutient les acteurs de la chaîne du livre du nord-est parisien. Leur bureau jouxte ceux d’actuaLitte.com, d’immateriel.fr, de l’éditeur Bruno Doucey, d’une graphiste. « C’est un lieu incubateur, reposant sur la mutualisation, ça aide à démarrer », expliquent Estelle Durand et Claire Duvivier, 31 ans chacune, et du dynamisme à revendre. Ce démarrage, toutes deux en rêvaient secrètement depuis leur rencontre en DESS édition à la Sorbonne. Avant de sceller leur projet en 2009, place aux travaux pratiques. Passionnée de science-fiction, Claire fait ses premières armes à « Lunes d’encre », la collection d’imaginaire de Denoël, puis chez un éditeur de fantasy à Munich. Après un stage chez Joëlle Losfeld, Estelle s’occupe d’une revue de sociologie politique. « Monter une maison d’édition, c’est un peu osé. L’objectif était d’en vivre. On s’est lancé à corps perdu. »
Le duo ne manque ni d’ardeur ni d’idées. Asphalte publie de la littérature urbaine, et emprunte des routes peu fréquentées : l’Australie, l’Argentine, la Thaïlande. L’aventure démarre en mai 2010 avec Chat sauvage en chute libre de Mudrooroo, un texte fondateur de la littérature aborigène. C’est une variété de langues et d’univers qu’Asphalte propose. L’œil pénétrant d’un Roberto Arlt sur Buenos Aires tranche avec le récit azimuté d’une ancienne gloire du surf australien. Asphalte explore la ville, et surtout ses marges, peuplées de destins violents ou attachants, souvent piégés par la grande Histoire. Le roman noir côtoie le roman d’anticipation. À l’image du dernier-né, L’Employé de l’Argentin Guillermo Saccomanno, préfacé par Rodrigo Fresán, terrible portrait de l’homme au travail, imaginé par Philip K. Dick, Bartelby et Emmanuel Bove réunis.
Asphalte, c’est aussi une collection, « Asphalte noir », des anthologies de nouvelles sur les villes du monde entier, achetées à un éditeur américain. Un joli coup. Folio policier a déjà acquis trois des huit titres : Paris noir, Londres noir et Los Angeles noir.
Quelles sensibilités littéraires aviez-vous en tête lors de la création d’Asphalte ?
Claire : Asphalte, c’est davantage un esprit qu’une ligne éditoriale. Nous n’avons rien inventé. Ce qui nous intéresse, c’est une littérature qui s’affranchit des contraintes de genres, qui refuse la segmentation, qui pioche à la fois dans le polar, le roman, les littératures dites de l’imaginaire, avec une forte dimension urbaine. Nous revendiquons notre aspect cosmopolite : s’ouvrir au monde, découvrir des aires géographiques inattendues, sans tomber dans le cliché et l’exotisme facile. Chiens fous de Chart Korbjitti est un bon exemple : voilà une bande de jeunes Thaïs, en pleine période flower power, qui cherchent leur place dans la société au moment où leur pays subit l’explosion du tourisme de masse. C’est un livre joyeux, assez éloigné d’un...
Éditeur Fleurir le bitume
novembre 2012 | Le Matricule des Anges n°138
| par
Philippe Savary
De l’anthologie au roman, les éditions Asphalte explorent la littérature urbaine du monde entier. Des voyages noirs, drôles et picaresques, avec bande-son en prime.
Un éditeur