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Domaine étranger Dernières cendres

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Thierry Guinhut

Candide au pays des non fumeurs, ou les désarrois du tourisme postcolonial par le mordant Will Self.

Une fois de plus la satire selfienne est lancée à pleins pou- mons : famille, tourisme, pays en développement, rien n’est épargné. Dix ans après avoir changé le genre humain en primates au pays des Grands singes, Will Self invente un nouveau pays-continent, sorte d’Australie tribale et postcoloniale, pour se moquer avec un « comique funeste », autant des Occidentaux que des indigènes…
Un anti-héros plat et naïf, Tom Brodzinski, prend d’exotiques vacances avec femme et enfants. Persuadé d’en finir avec les cigarettes, il en projette le dernier « mégot » (The Butt, titre original) par son balcon. Hélas, le corps du délit va heurter le front d’un vieillard, qui, marié à une jeune fille locale, possède la double nationalité. De ce point de départ incandescent s’ensuivront de tristes et grotesques péripéties judiciaires. Il va falloir à notre niais inculpé tout un périple pour payer son péché originel, cette « tentative de meurtre » et ses « dommages collatéraux ». Mieux vaut alors indemniser à coup de dollars, de faitouts et de fusils une communauté au nom impayable, à l’autre bout de la forêt vierge et des déserts. Le lecteur a compris que la vaste initiation de notre impétrant qui doit aller livrer sa lourde obole n’est qu’une arnaque de première, avec la complicité active du gouvernement, du système judiciaire, de la police, des tribus, voire de la femme du pauvre Tom…
Les personnages sont des caricatures. L’épouse modèle abandonne son mari dans l’étau des lois locales. Les enfants sont une ado crispante et un adopté acheté devenu semi-obèse et obsédé de consoles de jeux. Le consul est un profiteur. Les Blancs - « les Anglos » - sont des racistes impénitents, traitant de « foutus bamboulas » le moindre autochtone, souvent satisfait de son misérabilisme ou bien rebelle d’une guérilla pitoyable et meurtrière, s’il n’est pas lui-même un des rouages huilé de la corruption du pouvoir. Quant à celui qui devrait tout surplomber de sa hauteur morale, le « neuroanthropologue », c’est un mage allemand pontifiant qui a réinventé la culture tribale de la population qu’il domine. Ce post-structuraliste va jusqu’à pratiquer la lobotomie sur le corps calleux du cerveau de ses affidés et du pauvre Tom, châtié sans ciller parce que condamné par une tyrannie spiritualiste qui balaye « la quintessence de la science occidentale » : « la fiction narrative des Anglos ».
Pire encore, les systèmes sociaux et économiques sont crânement viciés, leçon putride jetée à la face d’un monde pseudo libéral, ou seulement libéral pour le profit des exploiteurs de toutes peaux. Le mélange des lois occidentales, des usages tribaux et des assurances capitalistes en fait un tout complexe, imbécile et finalement criminel. L’exploitation d’une mine de bauxite et son traitement des ouvriers locaux sont révoltants. Le fonctionnement de l’action humanitaire est confiscatoire pour le Blanc, infantilisant pour l’indigène et symptomatique de la prétention de ses acteurs à dispenser bonne parole et bonne action pour un résultat infâme.
Tous les genres balayés sont parodiés : le road novel post Kerouac devient une odyssée désertique sans profit intellectuel ou de liberté ; l’apologue, dans la lignée de Swift et du Candide de Voltaire, est criant d’ironie devant les paysages splendides où l’humanisme n’a jamais part ; le héros du roman d’initiation n’apprend guère, perpétuellement manipulé qu’il est, finissant en victime consentante de l’abattoir mental. Sans compter un appel du pied au Cœur des ténèbres de Conrad, nommément cité, où le meneur de jeu blanc et teuton utilise en la dépassant la folie spiritualiste indigène. Et même si la partie centrale du roman (le voyage au désert) est moins trépidante, le style de Will Self reste marqué par ses métaphores coruscantes, par une réjouissante et inquiétante férocité satirique.

No smoking de Will Self
Traduit de l’anglais par Francis Kerline, L’Olivier, 350 pages, 22

Dernières cendres Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
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