Les revues apparaissent dans l’œuvre de Roberto Bolaño comme les dorsales d’un monde littéraire assez mystérieux. Leurs mentors se métamorphosent en aventuriers, pionniers, héros solitaires. Dans cette optique, comment caractériser Ivar Ch’Vavar ? Magicien, alchimiste, communicant opiniâtre ou chanceux ? Celui qui a eu entre les mains les premiers numéros du Jardin ouvrier mesure le chemin parcouru et s’interroge. Comment une revue composée de quelques feuillets gris, façon catéchisme, écrite en partie en ch’timi ou picard, diffusée à l’arrache (les numéros n’étaient-ils pas échangeables contre quelques timbres) a-t-elle pu avoir un tel écho, une telle ambition ? À partir d’un noyau picard (Konrad Schmitt, Lucien Suel), elle s’est ouverte de 1995 à 2003 (39 numéros publiés), à de jeunes auteurs : Christophe Tarkos, Laurent Albarracin, Nathalie Quintane, Olivier Domerg… Son but : expérimenter des modes de composition radicalement nouveaux « tout en cherchant à rendre compte de l’état d’épuisement actuel de la société » dixit Philippe Blondeau qui assure ici la préface de la réédition presque complète. Quant à Ivar Ch’Vavar, on peut clamer qu’il existe réellement au milieu d’une centaine d’hétéronymes, qu’il est avant tout poète et refuse tout chemin officiel. Né à Berck en 1951, il a enseigné la littérature picarde à la fac, a écrit d’audacieux recueils comme Berck (un poème), Hölderlin au mirador, Cadavre grand m’a raconté… et créé de multiples revues dont L’Invention de la Picardie ou Kminchmint. Mais tout cela est si réducteur. Tiens, un scoop, Evelyne « Salope » Nourtier, c’est aussi lui. (Le Jardin ouvrier d’Ivar Ch’Vavar et camarades, Flammarion, 412 pages, 25 €) D.A.
Poésie Ch’ti résistant
mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Ch’ti résistant
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°93
, mai 2008.