Une anthologie poétique (et CD) (précédé de) RH l’optophonétiste
Ce volume roboratif ne laissera pas le lecteur sur sa faim, sans franchement le distraire pour autant, tellement l’approche est sérieuse, critique sinon universitaire, d’un personnage peu connu en une France largement satisfaite de ses propres dadaïstes. Raoul Hausmann, né à Vienne en 1886, meurt à Limoges 85 ans plus tard, en laissant une œuvre de peintre, de photographe, de poète et d’essayiste entièrement imprégnée de principes et de manières de toutes les avant-gardes artistiques qu’elle avait pu traverser. Le fondateur de Dada-Berlin avait à cœur l’idéologie et la théorie tout autant sinon davantage que l’action. Aussi la touffue présentation qui précède le choix des textes abonde-t-elle, pour rendre compte de la teneur programmatique de l’œuvre, en -ismes et en -tions que l’artiste avait employés voire forgés, comme ce dadasophe (par analogie au philosophe ?) Contre les canons esthétiques traditionnels, contre le discours « dévasté », contre l’esprit petit-bourgeois, contre l’anthropocentrisme aussi (parce que naïf et ennuyeux), contre les « idoles » du « Beau, du Bon, du Vrai » - le cortège de fantômes à abattre est classique -, il s’agit de créer un art nouveau, mobile, changeant, capable de contaminer et de transformer la vie. Photomontages, collage, poésie concrète « verbi-voco-visuelle », brèves formes en prose, traduisent plus souvent les mobiles sous-jacents qu’ils ne les réalisent ; mais force est de reconnaître que l’idéal est ambitieux. Comme l’auteur lui-même visiblement convaincu de son rôle électif : « Je suis Luoar, La lueur dans cette époque », « le frère de la lumière éternelle », « capitaine de Dada ». Un peu d’humour vient parfois délayer la pesanteur de l’entreprise pourtant a priori prédestinée à des formes légères ; tandis que la réussite de certaines œuvres visuelles reproduites en petit format revient à la simplicité du geste plutôt qu’à la complexité d’une élaboration verbeuse.
Une anthologie poétique de Raoul Hausmann (précédé de) RH L’optophonétiste par Isabelle Maunet-Salliet
Al Dante, 261 pages, 27 €