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Domaine français Une maire amère

octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87 | par Anthony Dufraisse

Portrait de femme amoureuse, le nouveau livre de Jacques Jouet est aussi une peinture réussie de mœurs politiques.

Une mauvaise maire

Dans ce court roman, point de personnalités politiques de premier plan appelées à de grands destins (pour cela, confer Reza), mais des personnages plus modestes, des élus de terrain comme cette maire de banlieue, Marie Basmati. Passez vite sur le calembour potache du nom de famille et le jeu de mots du titre, seuls indices nous rappelant que Jouet est un membre actif de l’Oulipo. La banlieue en question, La Chapelle, est une cité-dortoir de la région parisienne. On y vit pas trop mal, ce qui ne veut pas dire qu’on y vive bien pour autant. Marie Basmati, dont c’est le premier mandat, donne dans le genre maire poule de gauche. Là, sur ces terres de l’Essonne, Jacques Jouet campe donc cette femme de principes « cartée au Parti communiste français, ou ce qu’il en reste ». Ni plus ni moins que dans les hautes sphères de l’État, cet échelon communal n’est épargné par les arrière-pensées manœuvrières. Il est facile d’imaginer les intrigues de cour (au sens de cour de récré) et la courtisanerie qui frise souvent l’ânerie. Rumeurs vilainement répandues, insinuations colportées, humeurs des habitants, hiérarchie retorse, cadeaux empoisonnés… administrer une ville de banlieue est tout sauf une sinécure. Il y faut non seulement de l’obstination mais surtout du tact et de la diplomatie. Il s’agit de désamorcer les dossiers piégés et d’amadouer autant que faire se peut les esprits chagrins, le tout dans un environnement cordialement hostile ou hypocritement intéressé, de construire jour après jour un équilibre dont Jouet souligne l’extrême fragilité. Bienvenue en mairie, donc, ce bureau des plaintes républicain, où l’on vient clamer ses droits et déblatérer ses doléances.
Dans ce décor de béton et de néons, l’estimable Marie Basmati tâche tant bien que mal de défendre ses convictions. Toute dévouée à la cause commune, au bien public, à l’intérêt général, elle s’efforce, elle essaie, au-delà de ces ronflantes formules creuses et avec les moyens qui sont les siens, « d’habiter ses idées ». Où l’on voit, et Jacques Jouet nous le montre avec une désinvolture qui vaut tous les romans à thèse et toutes les thèses romancées, que l’engagement en politique, comme un budget municipal, se gère à la petite semaine, comme on peut. Dans les pas de Madame le maire au fil de journées à rallonge (la faute à la réunionnite), on croit comprendre que le doute, curieusement, permet d’exercer proprement le pouvoir, qui sinon dévore tout ou presque sur son passage. Les impondérables de l’autorité, les impératifs de la déontologie représentative, les querelles, si l’on nous passe ce facile jeu de mots, de chapelle, les guéguerres de quartiers, le cynisme des uns et le dogmatisme des autres, les coups bas, les bassesses… avec Jouet tout y passe. Aux pratiques et aux pesanteurs de la politique de proximité, il fait un sort. Pas même besoin de vitriol pour cela, sa verve suffit.
Manière de reportage au long cours, au ton passablement caustique et grinçant, ce livre est aussi, et surtout, une histoire d’amour. D’amour interdit. Au hasard d’une rencontre tout à fait improbable, Marie Basmati noue une relation toute d’ambiguïté avec l’un de ses 26543 administrés, le jeune Masmaïl. Très vite elle s’amourache de lui. Papouilles en cachette, batifolage à la sauvette et mots doux volés, cette amourette la sort de sa solitude - car le pouvoir isole, malgré les sollicitations permanentes et l’aréopage de lèche-bottes. Bref, cette liaison est à la fois une fuite et une petite folie. Mais il y a cette satanée fonction entre eux, plus embarrassante encore que la différence d’âge. Amante, maire, épouse, mère, voilà un cumul des mandats difficile à assumer sans fauter. Trop de rôles à endosser, trop d’interférences entre son intimité et sa vie publique, elle finira par payer dans les dernières pages. Amère, Madame le maire se retire sur un drôle d’air : « Adieu, fière cité, ma carrière est finie ».

Une mauvaise
maire

Jacques Jouet
P.O.L
125 pages, 12

Une maire amère Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°87 , octobre 2007.
LMDA papier n°87
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