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Domaine étranger L’Europe de Stasiuk

mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81

Explorateur des confins, arpenteur du vide, l’écrivain polonais observe avec attention la ténacité des hommes qui parviennent à résister au flot du Temps.

Nous avions déjà découvert, dans les contes et nouvelles publiées naguère (Contes de Galicie, L’Hiver), le goût, la passion même d’Andrzej Stasiuk pour les frontières de notre Europe désormais élargie, presque obèse et ainsi mal en point. C’est dans ces marges, ces no man’s land où justement les objets, les animaux et les paysages l’emportent sur les hommes disséminés, fragiles, que nous le retrouvons ici. Cependant, bien qu’il déclare souvent en avoir le désir, l’ambition mais il y renonce très vite il n’a pas recours cette fois à l’invention romanesque, il s’agit d’un récit de voyage. Curieux voyage, en fait : sans cesse recommencé, hasardeux, labyrinthique, il le mène (et nous mène et nous perd) de la Pologne où il habite (mais habite-t-il précisément ? il ne parle quasiment jamais de ce qui doit pourtant être son pays) à l’Albanie, de la Slovénie à l’Ukraine, de la frontière slovaque aux rives de la mer Noire. Aucune destination ne semble l’appeler : Babadag ne sera pas, loin s’en faut, le terme du voyage rien qu’une halte, peut-être encore plus incertaine, évanescente, que celles qui l’ont précédée ou la suivront…
Sans doute ferait-il sienne cette affirmation de Julien Gracq : « Il s’agit de voyages très incertains, de départs tellement départs qu’aucune arrivée ne pourra jamais les démentir ». S’il part, ce n’est pas non plus à la recherche de lui-même, on ne trouvera ici nul égotisme, encore moins une quête d’ordre historique, culturel ou esthétique. Certaines formules tentent de cerner ce qui le guide : il pourra y trouver « la solitude originelle », y faire l’épreuve de la « dépense continue », d’une sorte de « dilapidation » de son temps et de son énergie. Comme les rêves, les voyages peuvent également offrir à ceux qui s’y adonnent sans retenue « la liberté absolue de l’inattendu », quand même les conversations ont « un goût d’hallucination ». Cependant ses pas ne le conduisent pas n’importe où : ainsi fuit-il les grandes villes, ou plus encore les capitales, ainsi n’est-il absolument pas tenté de partir vers l’Ouest : seules l’appellent car il s’agit bien d’une sorte de sommation, d’un chant des Sirènes ces contrées émiettées, qui s’effilochent à l’Est, qui disparaissent au cœur des cartes de géographie et dont on ne pourrait jamais véritablement reconstituer l’histoire, des territoires comme exclus. Ce sont là des « trous du cul du monde », « des pays auxiliaires, des nations de second choix, des peuples de rechange » mais là-bas on rencontre un « présent aussi vieux que le monde ». Les hommes sont frustes mais hospitaliers, les femmes souriantes et lentes, le vide, l’immobilité se sont comme solidifiés, les paysages s’humanisent et semblent vivre eux aussi l’ennui éternel, les humains se confondent avec les animaux qui leur procurent, charitablement, leur chaleur humide et les baignent de leurs odeurs rassurantes. Les objets de rebut, carcasses de camions et de voitures, usines ou coopératives agricoles qu’assaille la rouille, vestiges mêlés du communisme et de la société post-industrielle, gisent à l’abandon, avant que de se dissoudre dans le temps qui emporte tout et tous. Andrzej Stasiuk regarde, grave toutes ces traces dans son cerveau - et écrira ces pages au retour, bien après, reconstituant ces trajets et leur féerie modeste, leur fantastique du quotidien. « Il se peut que l’on parte en voyages pour sauver des faits, pour soutenir leur fragile et unique lueur » propose-t-il mais il faut alors devenir soi-même comme un fantôme, se faire discret et respectueux puisque « les regards lissent les choses et les paysages » et que « le monde s’usera et s’élimera de l’excès des regards ».

Sur la route
de Babadag

Andrzej Stasiuk
Traduit du polonais par Malgorzata
Maliszewska
Christian Bourgois
367 pages, 24

L’Europe de Stasiuk
Le Matricule des Anges n°81 , mars 2007.
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