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Domaine français Vivre au présent

février 2007 | Le Matricule des Anges n°80 | par Richard Blin

Comment dire la force transfiguratrice de l’amour, l’absolu qui invite ? En écrivant non pas pour les définir mais pour témoigner de leur manifestation.

Les Amants de Bagdad

C’est Proust qui disait qu’on n’aime fondamentalement que ce en quoi on poursuit quelque chose d’inaccessible. Il est vrai que l’amour, on commence par le rêver, par le lire, par l’imaginer. Alors, quand il lui arrive de s’incarner, quand on le sent juste musicalement, émotionnellement, esthétiquement, juste, il devient une manière de s’abandonner, de se perdre tout en se délivrant. De cet amour, la poésie est comme l’ombre portée, la source et le miroir.
Dans Les Amants de Bagdad, Jean Reinert évoque un tel amour. Nous sommes en avril 2003, dans la capitale irakienne qui s’apprête à la guerre. « Lui », est palestinien, grand voyageur et féru de poésie. Il connaît par cœur des poèmes de Nuwâs, d’al-Maari, de Samih al-Qassim… Quant à « Elle », qui termine sa première année d’université, elle lit de la poésie depuis toujours. Elle a l’âge des inspiratrices de ses poètes favoris et aime leurs vers dont la beauté « rend éternelles nos beautés fugaces ». Chaque jour, sur la terrasse où elle s’isole pour travailler, son rendez-vous avec les poètes est aussi un rendez-vous avec son corps. Et puis, un matin, elle trouve un homme accoudé au parapet. Il s’excuse, « il cherchait un point de vue sur la ville ». Et il se met à parler des temps de la grandeur de Bagdad. Elle l’écoute, subjuguée. Il reviendra chaque jour parler de poésie, de l’art d’improviser. « Tu m’écoutes (…) et moi je me rassasie de ton image ». Échanges, peaux, lumière, fusion… La poésie tout en leur permettant de dire sans dire apparaît ici dans une de ses dimensions essentielles, celle qui relève du contact, d’un contact amoureux, bien plus que de l’idée, du sentiment ou de la pensée. Le poème, la force d’irradiation de ses images, tout ce qui en elles cristallise le sentiment d’une forme de participation magique au monde, donnent corps aux puissances latentes qui président à l’éclosion de la passion.
C’est la nudité de cette pure expérience, l’événement-avènement de cette nouvelle modalité d’être, la belle violence de cette naissance soudaine à la conscience d’aller vers l’« insu » d’un horizon inconnu, que scande Jean Reinert à travers le regard qu’ « Elle » et « Lui » portent sur leurs rencontres quotidiennes. S’aimant comme si c’était chaque fois leur dernier jour « hiéroglyphe du vivant, dans le chaos du monde », ils savent que « l’instant présent (leur) donne raison sur n’importe quel avenir », que leur terrasse entre ciel et terre est « un tapis volant hors de portée du monde des hommes ». Mais comment un tel amour, « qui est la vie la plus vive », pourra-t-il se fondre dans la vie de tous les jours ? Comment pourrait-il échapper à la folie des hommes, aux miliciens « au regard fou et à la parole ébréchée » ?
La suite, on la devine… Mais il est possible de rester encore un peu dans l’orbe de cette histoire tout imprégnée de poésie, en nous plongeant dans Ors et saisons1, une anthologie de la poésie arabe classique (du IVe au XIIe siècle), nous présentant vingt-quatre poètes rarement ou jamais traduits. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, cette publication est accompagnée par deux nouvelles éditions du Chant de l’ardent désir de Ibn’Arabi et par celle d’un choix des Poèmes mystiques de Hallâj2. Mais autant ce dernier privilégie le dépouillement pour célébrer, dans l’union de l’amant et de l’Aimé, l’identité de l’être et de l’Être, autant Ibn’ Arabi joue du chatoiement des apparences, du heurt des contraires, du reflet de la beauté de l’univers dans celle de la femme, pour révéler le caché sous le manifeste deux façons de montrer comment le sensuel et le spirituel s’harmonisent dans la quête de l’Absolu.

1 Traduit de l’arabe par Patrick Mégarbané et Hoa Hoï Vuong, Sinbad/Actes Sud, 176 p., 14,80
2 Traduits de l’arabe par Sami-Ali, Sindbad/Actes Sud, 70 et 97 p., 9,60 chaque

Les Amants
de Bagdad
Jean Reinert
Verticales
125 pages, 13,50

Vivre au présent Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°80 , février 2007.
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