Dans les dernières pages du Gang de la clef à molette, Edward Abbey (1927-1989) avait laissé sa joyeuse troupe d’éco-guerriers dans une fâcheuse posture, paraissant même condamner l’un d’eux (George Hayduke) à une mort certaine… C’était compter sans la capacité du romancier à tirer de l’ombre ses personnages de papier.
Edward Abbey prend donc les mêmes (ou presque : Doc Sarvis et Bonnie sont désormais mariés, ils ont un garçon nommé Reuben, et Bonnie est enceinte), les installe dans le même décor (la nature sauvage du Grand Canyon), et recommence. L’ennemi n’a pas changé de visage : il s’agit toujours de combattre « l’Empire planétaire de la Croissance et de la Cupidité », lequel trouve ici à s’incarner en un excavateur géant, le « GEM de l’Arizona, Dragline Marcheur 4250W, plus grosse machine mobile de la planète, implacable GOLIATH ». Il faudra toute l’efficacité du gang, reconstitué vers la moitié du roman (car à l’exception de Hayduke, chacun s’était rangé des voitures), pour venir à bout du tyrannosaure.
Le Retour du gang de la clef à molette (publié de manière posthume en 1990) a bien sûr plongé ses racines dans le terreau fertile du premier roman, mais entre les deux le style s’est considérablement alourdi, n’évitant plus guère les écueils du genre : grivoiserie outrancière, propos exagérément grossiers (comme si une éco-guerrière devait nécessairement prononcer les mots « bite » et « couilles » pour rester crédible), et caricatures de discours écolos. Ce retour sent souvent l’emphase et le mauvais goût. Quant à l’intrigue, ficelée à la diable, elle progresse avec la lourdeur d’un Goliath fatigué.
Le Retour du gang de la clef à molette d’Edward Abbey - Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
Gallmeister, 416 pages, 25 €
Domaine étranger Retour en farce
février 2007 | Le Matricule des Anges n°80
| par
Didier Garcia
Un livre
Retour en farce
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°80
, février 2007.