Fario N°3
À l’instar de son animal fétiche, fréquentant les eaux vives, la revue Fario associe une extrême mobilité à l’acte de lire ou d’écrire. Le premier numéro de ce semestriel conviait au voyage. Celui-ci nous enjoint à marcher avec une quinzaine d’écrivains. « S’il existe une communauté entre la marche et la littérature, c’est assurément la modestie des moyens », assure l’éditorial. La marche et la lecture sont des actes, générant des rythmes et des paysages singuliers. Pessoa n’affirmait-il pas qu’un état d’âme est un paysage ? Lors de ce périple, nous emboîterons les pas du poète James Sacré qui avec « On a marché, on se demande. On marche encore » nous entraîne vers les sentiers de traverse de sa propre enfance paysanne. Il y est question du premier sac d’école volé, puis retrouvé, de mémoire fugace. « Un mot comme un orient : l’enfance/ Et l’en allée vers un leurre : marcher. » Mais les escapades ne s’avèrent pas toujours aussi lumineuses. Marcel Cohen évoque au travers des récits d’un ouvrier juif polonais et les témoignages du commandant d’Auschwitz Rudolf Hoess qu’il juxtapose, l’errance des survivants de camps de concentration avant leur libération, « des milliers d’êtres faméliques, que les S.S n’ont plus le temps de tuer sur place, avancent au milieu des réfugiés civils, des soldats de la Wehrmacht qui se replient, et parfois de prisonniers alliés que personne ne prend plus la peine de surveiller. » Marlène Soreda marche, elle, pour trouver l’endroit où son oncle originaire d’Afrique du Nord est mort en libérant la France. « Lui, il s’arrête là avec bien d’autres, ces milliers de garçons tous tombés des ventres Moussa, Djillali, René… » Dans une deuxième partie, Fario donne à lire des textes et journaux intimes inédits de René Guy Cadou, Charles Albert Cingria, Jacques Réda. De très belles photographies de Michal Rovner, en noir et blanc, parviennent à résumer les impressions liées aux textes sur la marche, évoquant à la fois des files d’errants et la magie d’un cortège du Grand Meaulnes.
Fario N°3, 323 pages, 23 €
(26, rue Daubigny 75017 Paris)