Fusées N°10 (Charles Pennequin)
Voici le dixième anniversaire de Fusées, revue créée par Mathias Pérez dont le comité de rédaction réunit entre autres, Christian Prigent, Charles Pennequin, Daniel Dezeuze ou Jean-Paul Fargier. Fidèle à son habitude, cette revue présente un fort volume qui mêle littérature et arts, cahier de création et dossiers autour d’un thème ou d’un auteur. En ouverture, plus de soixante pages sont consacrées à l’œuvre de Pennequin, une voix à la recherche d’un « soi qui ne sait pas très bien combien il est mais qui tente, tout de même d’y voir un peu plus clair dans tout ce magma, de trier, de compter, d’énumérer… », selon Laure Limongi. Anciens Julien Blaine, Serge Pey et plus jeunes Philippe Boisnard, Anne-James Chaton, croisent les reprises ou textes inédits de l’auteur de Bibi.
Plus loin, mais en résonance avec l’écriture de Pennequin, re-« voilà les ex-TXT », un ensemble de textes de créations de cette joyeuse bande de l’avant-garde des années 70. Un « esprit » qui selon Fusées « continue à orienter l’action de plusieurs de ceux qui écrivent hors des sentiers battus par l’académisme ». Boutibonnes, Clemens, Demarcq et ses novarina, Le Pillouër, Prigent, Verheggen qui « blues blouse », et de très beaux courts textes d’Alain Frontier.
Si le sport et la gastronomie sont absents de ce numéro, le jazz, la sculpture, la danse et l’image sont là, autour d’Alain Kirili. Une série de photographies retrace les improvisations musicales générées par les sculptures de Kirili, dont l’œuvre, loin du « sanctuaire », se voudrait « le lieu de toutes les confrontations sonores, visuelles, olfactives, tactiles ». De nombreux témoignages, tel celui du saxophoniste Sabir Mateen : « L’œuvre sculptée est comparable à un autre instrument, elle a une voix en soi ». Loin des programmes compassés et machinés de certaines performances actuelles, une question de corps à corps servie bien « free ».
En guise de suite, Jacques Demarcq offre un choix de « jazz poetry ». Dans cet ensemble, signalons le superbe Chant pour Bird et pour moi de Jack Spicer, qui démarrant comme un aveu « Je suis mécontent de ma poésie./ Je suis mécontent de ma vie sexuelle./ Je suis mécontent des anges auxquels je crois », n’oublie pas d’interpeller l’autre : « As-tu jamais lutté avec un oiseau,/ Crétin de lecteur ? » Cela entre Paul Blackburn ou Langston Hugues.
Proposant des voix diverses, Fusées conçoit un numéro « inacadémique » aux nombreuses correspondances, loin du fourre-tout qui dilue parfois le sens et l’attrait d’autres revues. Une autre manière d’affirmer que la littérature est un art vivant.
Pierre Hild
Fusées N°10
252 pages, 27,50 €
29, rue Gachet 95430 Auvers-sur-Oise