Dans une petite ville des Ardennes vivent plusieurs êtres malheureux, en proie à des désirs constamment inaboutis ou flétris. Martin, un adolescent de 15 ans, subit douloureusement son homosexualité, aux côtés d’Isabelle, sa grand-mère, une femme fruste qui cherche dans la nourriture le moyen de donner à son petit-fils un peu de vitalité. Celui-ci, durant ses cours de français, rêve, fantasme, et en guise de copies, rend à sa professeur, Madeleine Pierrat, d’étranges poèmes de plus en plus violents. Puis il s’éprend de Solaap, un très beau garçon arrivé en cours d’année, dont les parents sont eux-mêmes des névroses ambulantes. Ce premier roman de Bernard Souviraa, par ailleurs écrivain pour le théâtre, laisse un sentiment ambigu : la dimension satirique de l’écriture la description par exemple de Madeleine, avec ses ambitions intellectuelles exhibées devant les élèves un peu perdus, et sa coquetterie de femme mûre, légèrement ridicule est très réussie. Souviraa dépeint bien également les misères affectives, sexuelles, sociales celles d’ailleurs des enfants de bourgeois autant que celles des adolescents défavorisés de ses personnages. Mais cette satire, ce regard houellebecquien sur le monde, n’évite pas toujours la tentation misérabiliste, et une forme de complaisance dans le récit des faiblesses et des laideurs de cette humanité en échec.
L’Œil du maître de Bernard Souviraa
L’Olivier, 173 pages, 16 €
Domaine français Triste province
septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76
| par
Delphine Descaves
Un livre
Triste province
Par
Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°76
, septembre 2006.