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Domaine étranger Rien à foot

juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75 | par Camille Decisier

Dans l’Italie post-moderne, un championnat clandestin de football de rue va mettre à mal les instances politiques, religieuses et sociales d’un État tyrannique. Une fable moderne et farfelue de Stefano Benni.

La Compagnie des Célestins

Bienvenue en Gladonie, contrée utopique que l’on pourrait croire issue de la fusion entre l’Italie moderne et le Pays Imaginaire de Peter Pan ; une société opulente dirigée d’une main de fer par l’égoarque Mussolardi, bâtard de Berlusconi et de Mussolini, tyran aussi puissant que ridicule. Mussolardi a une cervelle creuse et des implants capillaires précaires. Il vit prudemment planqué à quelques centaines de mètres de la terre ferme, dans un polycoptère blindé, constamment entouré d’une intelligentsia se résumant au chef des Médias et au chef de l’Armée. Mussolardi possède l’ensemble des médias du pays, et peut-être même davantage. À vrai dire, il possède la Gladonie tout entière, y compris sa population. Rien n’échappe au milliardaire mégalo. Sauf, peut-être, des informations précises concernant le championnat mondial de foot de rue qui doit justement se dérouler cette année-là en Gladonie, dans le secret le plus total. Il faut dire que ce noble sport, clandestin et indisciplinable, âprement défendu par des amateurs dissidents, est soumis à un code ultraconfidentiel dont la règle numéro un est le silence absolu. Difficile donc, même pour l’invulnérable Mussolardi, de dépêcher ses équipes de télévision sur les lieux de la rencontre, pour créer en direct un événement médiatique et commercial hors du commun.
Inconscientes de l’énorme conspiration qui se prépare, les équipes commencent à arriver en Gladonie par les moyens les plus fantaisistes, venues des quatre coins du monde. Parmi elles, la Compagnie des Célestins, l’équipe nationale, composée de cinq gamins échappés de l’orphelinat tenu par les cruels Zopilotes, adorateurs de Dieu et de toute préparation culinaire à base de l’infâme « chou-garou », dont l’odeur tenace les rend repérables à cent mètres. Échapper à leur surveillance est un acte périlleux ; plus périlleux encore le voyage jusqu’au lieu de rendez-vous. Mais c’est sans compter sur la bienveillance magique du Grand Bâtard, « protecteur de tous les orphelins du monde, Bouddha des errants, comète des ruelles »
Éditée par Feltrinelli en 1992, cette fable loufoque et cruellement réaliste vient tout juste d’être traduite en français. Bon esprit d’à-propos, en ces temps de Mondial, et alors que la politique italienne est jugée d’un œil sévère par la communauté européenne. Sans en avoir l’air, parce que sa langue est euphorique, pleine de néologismes hilarants, et qu’elle repose sur une utilisation inconditionnelle des ressources de l’imagination, Stefano Benni parvient à dresser un portrait farouchement critique de son pays natal et, au-delà, de l’ensemble de la société mercantile. Le football institutionnel est un pur produit de consommation élaboré au profit des grands groupes médiatiques et industriels, soumis au sponsoring permanent, tout comme l’armée, main droite de Mussolardi, technologiquement indestructible ; du simple soldat au caporal, tous ses membres se doivent d’arborer bien visiblement, pendant les interviews télévisées, les messages de propagande commerciale qui ornent casques et baïonnettes. Emblématisée par Don Biffero, dont la soutane dissimule de scandaleux penchants, l’Église est une puissante association de malfaiteurs, tortionnaires et obsédés sexuels. La politique, un ramassis de menteurs et d’opportunistes qui adaptent leur discours aux fluctuations de la Bourse et aux nouvelles couleurs de pull-overs à la mode, et dont les programmes politiques absurdes ressemblent de plus en plus à des slogans publicitaires : « Nous avons imaginé un nouveau mot d’ordre : Sors de la masse, deviens pauvre. Je sais, cela sonne bizarrement. Mais souvenez-vous que durant des années nous avons soutenu que la liberté était une voiture, la famille une platée de spaghettis, l’air pur une pastille à la menthe, et ainsi de suite. Eh bien, qui nous empêchera de fourrer dans la tête des gens que ce sont aujourd’hui les marginaux, les clochards, les crève-la-faim qui constituent l’image la plus positive du XXIe siècle ? »
La Compagnie des Célestins, pamphlet onirique, infiniment poétique, se lit d’une traite ; derrière la satire politique, sociale et religieuse, il y a d’abord un grand récit d’aventures magiques, comme nous n’en avons plus lu depuis nos quinze ans. Car Stefano Benni, dissident littéraire, parle une langue universelle, celle de l’enfance.

La Compagnie des Célestins de Stefano Benni, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, Actes Sud, 375 p., 23

Rien à foot Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°75 , juillet 2006.
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