Mots de cuisine, tomes 1 et 2
L’expression n’est pas toujours affaire de langage. Car on « exprime » aussi parfois un concombre, c’est-à-dire qu’on en extrait le jus. Cette proximité du Verbe et de la Bouffe se veut déclinée tout au long des Mots de cuisine, nomenclature en deux volumes : tome un, tour de main et matériels ; tome deux, préparation et ingrédients. Il s’agit d’exposer ici la « richesse du vocabulaire culinaire français » : dans l’ensemble on dira pourquoi pas, d’autant que l’entreprise est bien habillée sous son coffret (jolie mise en page, dessins itou, et même des recettes, telle celle des mystérieux Nems de Sardine), et qu’elle permet surtout d’apprécier certains réseaux métaphoriques déchaînés derrière les fourneaux. La Cuisine a ainsi des faux airs de grande bourgeoise en cuir : elle bat les œufs, crève le riz, dépouille le lapin, écorche l’anguille, sangle la crème, fouette la sauce, lamine les pâtes, pince la quiche, saigne la langouste fascinante prescription qui clôt l’article Saigner : « Enfoncer la pointe d’un couteau entre les deux yeux et placer le crustacé la tête en bas ». Que demande le peuple ? Eh bien, par exemple, que les rédacteurs du dictionnaire évitent certaines niaiseries littéraires d’avant-propos « la cuisine, heureusement, n’est jamais figée, qui vient, va vogue, accoste »…, ou encore qu’ils se montrent moins paresseux dans leurs indications étymologiques : on ne nous dit pas pourquoi le financier est devenu un gâteau, ou la cocotte un récipient. Enfin, il est regrettable que manquent au paysage divers néologismes : ainsi du récent et délicieux micro-ondable.
Mots de cuisine d’Emmanuelle Maisonneuve
et Jean-Claude Renard
Buchet-Chastel, 2 vol. (120 et 132 p.), 25 €