Ici est posée toute la dichotomie entre le voyage touristique, quoique à pieds et non sans risques, et le respect des civilisations locales, même détruites, disparues… Cinq Européens, plus ou moins préparés, et leur guide métis gravissent les sentiers aériens et les ravins des montagnes péruviennes. Ils sont à la recherche de cités incas mythiques, pour les photographier, éprouver un frisson devant quelques momies recroquevillées, ou pour trouver un sujet d’écriture qui redonne du punch à l’obsession journalistique et narrative de l’un d’eux. Mais sans événement grave, pas de texte qui en vaille la peine… Ce pourquoi l’écrivain (peut-être une projection de l’auteur) se jette à belles dents sur les occasions dramatiques. C’est le sentiment constant de transgression d’une culture sourdement impressionnante par ses ruines, ses momies, aggravé par le frémissement du danger lorsque les indigènes réclament un otage en les obligeant au retour par le même chemin. Mais aussi, pire encore, la mort d’une des touristes que l’éloignement de la civilisation rend inéluctable… Si l’on ajoute à cela un personnage de prêtre espagnol rongé par la culpabilité de l’ignominie de ses ancêtres venus conquérir, exploiter par le fer et le feu ces lieux, on comprendra toute la tension de ce roman.
Mais faute d’une écriture incisive, d’un rythme haletant et d’un souffle venu de ces espaces affolants, le livre de Colin Thubron paraît tout juste confirmer ses bonnes intentions. Reste une question : comment dépasser le genre du récit de voyage pour le faire accéder à la création romanesque ?
Vers la cité perdue de Colin Thubron
Traduit de l’anglais par Philippe Hupp
Hoëbeke, « Étonnants voyageurs », 238 p., 18 €
Domaine étranger Mésaventure andine
avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Mésaventure andine
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°62
, avril 2005.