Partir. Embarquer. Quitter l’archipel des Chagos, « pluie de terre et de sable généreuse semée dans le nord de l’océan Indien ». C’est ce qu’ont fait tous les Chagossiens entre 1965 et 1973, contraints à l’exil par les autorités britanniques pour permettre l’implantation d’une base militaire américaine. Une tragédie racontée par Shenaz Patel dans un roman où les personnages, tous déracinés, évoquent avec fierté la détresse de tout un peuple.
En deux voix, le drame se noue. Charlésia tout d’abord, qui chaque jour depuis son arrivée à l’île Maurice, se rend au port, quémandant un billet de retour qu’elle n’obtiendra jamais. Au bout d’un quai, les journées passent, suspendues à cette attente. Désiré, ensuite, né sur le navire qui emportait sa famille. Devenu adulte, il rejoint la cohorte des sans-papiers et des chômeurs, puisque sans patrie. Il se lance dans un bras de fer à l’issue incertaine avec l’administration qui lui refuse tout statut.
Avec beaucoup de tact et de pudeur, Shenaz Patel raconte leur désespoir et leur lutte. Un militantisme pacifique qui entend s’appuyer sur les médias et l’opinion publique pour faire plier les puissants. Un livre qui s’inscrit également dans un mouvement plus global promouvoir la culture des Chagossiens : « Une vie simple, tranquille, rythmée par la mer » dans un chapelet d’îles présentées comme un paradis originel, que l’auteur oppose volontiers aux villes de l’exil, où règne la pauvreté.
Le Silence des Chagos de Shenaz Patel, L’Olivier, 151 pages, 16 €
Domaine français Les Chagos oubliées
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Franck Mannoni
Un livre
Les Chagos oubliées
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.